Le char Armata confère un avantage aux Russes

 

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Le char d’assaut russe Armata (T-14).

Sous la plume de sa journaliste Deborah Haynes et alimenté par des sources militaires britanniques, le quotidien londonien The Times nous apprend aujourd’hui que les forces russes jouiraient désormais d’un atout de premier plan sur le champ de bataille.

C’est ainsi que le char d’assaut Armata (T-14) représenterait le changement le plus révolutionnaire depuis les 50 dernières années, au niveau de sa conception. Réputé être plus léger, plus rapide, muni d’un système de détection des menaces à 360 degrés et fort du fait que sa tourelle ne nécessite pas la présence d’un membre d’équipage – ce qui accroit la sécurité des membres d’équipage –, et une portée de feu supérieure à celle de ses vis-à-vis occidentaux, le Armata « offre aux Russes un avantage technique et tactique manifeste qui les rendra confiants » selon l’article.

On rappelle également que la flotte russe est 35 fois plus importante que celle des Britanniques et que la réponse du ministère de la défense du Royaume-Uni à ces développements de la technologie militaire russe n’est probablement pas appropriée à la situation.

Naturellement, une armée a besoin de plus que de bons chars d’assaut pour remporter la mise sur le champ de bataille. Mais c’est un atout de premier plan dont les décideurs occidentaux devraient prendre en considération.

Au temps de la guerre froide, les Américains avaient compris qu’un investissement massif dans le secteur des forces armées contribuerait à faire plier les genoux de Moscou. Dans un contexte où les gouvernements de l’OTAN peinent à convaincre l’opinion publique de l’importance et de la nécessité de consacrer une enveloppe budgétaire plus importante à ce secteur pour parer à toute menace, il semblerait que le maitre du Kremlin ait tiré un enseignement de cet épisode de l’histoire contemporaine.

Quand la Pologne insulte la France

militairefrancais2Je ne suis pas le moins du monde étonné de lire cet article de zone militaire au sujet du récent camouflet infligé par Varsovie à la France dans le dossier de la vente des hélicoptères de manœuvre H225M Caracal.

Mais ce qui est encore plus étonnant – et positivement – c’est l’attitude du gouvernement français dans le dossier, puisque « […] cette brouille avec Varsovie n’aura aucune incidence sur la participation des forces françaises aux mesures de réassurance prises en faveur de la Pologne et des pays baltes par l’Otan […] ».

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils ont de la classe, les Français. Beaucoup même.

On le sait, la Pologne ne rate jamais une occasion d’invectiver les Russes et de leur imputer les pires maux de la terre. Dans une certaine mesure, cette posture peut s’expliquer par la relation historique entre les deux pays. Cela étant dit, Varsovie devrait changer de répertoire dans ses relations avec ses amis et alliés de l’OTAN. Les affronts sont rarement de bons gages de relations fructueuses, durables et solides.

Mussolini, chef de guerre

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La figurine LAH200 Count Galeazzo Ciano de la collection King & Country photographiée sur le livre de Max Schiavon.

Durant un séjour en Italie en 2013, j’ai effectué une visite guidée consacrée à Mussolini. En parcourant différents quartiers de Rome, il fut possible de constater que le Duce conserve l’intérêt, pour ne pas dire une certaine affection, de plusieurs. Dans une certaine mesure et malgré sa présence au côté d’Hitler, son aura a survécu à la déconfiture du fascisme et aux effets du temps.

Mais peu d’auteurs se penchent sur Mussolini dans la langue de Molière. L’historien militaire français Max Schiavon a relevé le gant en publiant récemment un excellent livre à propos du dictateur, Mussolini. Un dictateur en guerre.

Si Mussolini est habilement parvenu à maitriser l’échiquier politique italien entre les deux conflits mondiaux, il en fut tout autrement de sa capacité à revêtir les habits du chef de guerre. Quatre raisons majeures viendront plomber son action durant la Seconde Guerre mondiale.

Tout d’abord, Mussolini est dépourvu de toute formation militaire. On aura souvent entendu la rengaine à l’effet que les soldats italiens n’étaient pas des guerriers très valeureux, mais le fait demeure que les forces armées souffraient d’impréparation pour le conflit auquel le Duce les destinait. Sur le champ de bataille, le maréchal Rommel observait pour sa part que l’infériorité des Italiens devant les Britanniques en Afrique du Nord était redevable au fait que la performance des premiers était tétanisée par leur infériorité en termes de forces motorisées. (p. 192). Appelant Clausewitz à la barre de son argumentaire, Max Schiavon expose que « le plus strict des devoirs de l’État, c’est de se munir de l’armée de sa politique. » (p. 151) À son grand dam, Mussolini ne sut pas intégrer la pensée du célèbre prussien dans sa politique.

Ensuite, en emboitant le pas d’Hitler, le chef du gouvernement mesura mal l’état d’esprit de sa population, laquelle se démarquait par son pacifisme, l’absence de désir de partir en guerre, un sentiment défavorable – voire hostile – aux Allemands et à leurs desseins. Celui qui avait bien joué ses cartes pour faire la conquête du pouvoir eut donc la main moins bonne avec la Res Militaris.

De plus, Mussolini accepte d’être la 5e roue du carrosse d’un régime allemand qui le trompe sans vergogne à moult reprises et qui le méprise ouvertement. À témoin, l’anecdote citée par Max Schiavon au sujet du baron de Fiorio, officier de liaison italien auprès des services de renseignement allemands qui déclare à voix haute « Alors, mon cher Franz, nous voici à vos côtés » après que l’Italie se soit rangée derrière l’Allemagne nazie. Pour réponse, son collègue allemand, le major Franz Seubert, de lui répondre : « Bravo, nous gagnerons la guerre quand même. » (p. 142-143). Tout était dit.

Finalement, incapable de tirer l’enseignement accompagnant ses échecs, Mussolini était condamné soit à les répéter ou à tout simplement les ignorer. Contrairement à un Franco qui sut habillement jouer ses cartes durant la Deuxième Guerre mondiale et ainsi demeurer à la tête de son pays lorsque les canons se turent, Mussolini était destiné à tomber en même temps que les étendards de bataille des forces italiennes. Son gendre et ministre des affaires étrangères, le comte Galeazzo Ciano, lui conseilla pourtant, à la lumière des actions posées par les Allemands et des divergences de vues entre Rome et Berlin, de prendre ses distances avec le Reich. Cette disposition allait plus tard lui coûter la vie.

Certains pourront reprocher à l’auteur de ne pas être entré dans le menu détail des opérations militaires, mais tel n’était pas son objectif. Avec brio, il s’est concentré à dépeindre le parcours de Mussolini en tant que chef de guerre, une trajectoire promise à la défaite malgré un parcours qui suscita une admiration toujours observable au hasard d’une discussion dans un café ou au détour d’une visite chez un boutiquier romain.

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Max Schiavon, Mussolini. Un dictateur en guerre, Paris, Perrin, 2016, 270 pages.