Churchill et la Covid-19

ChurchillAndrewRoberts

La crise actuelle face à la Covid-19 fait en sorte que plusieurs d’entre nous peuvent non seulement profiter de notre isolement (involontaire mais salutaire) pour avaler les chapitres de ces livres fascinants qui nous tombent entre les mains, mais aussi pour chercher à établir – et c’est mon cas – des parallèles intéressants et inspirants avec le passé.

J’ai donc eu le plaisir de demander à l’historien et biographe britannique Andrew Roberts quelles étaient ses observations à savoir comment Sir Winston Churchill se comporterait dans la période que nous traversons actuellement. Il a donc rapidement et généreusement accepté que je reproduise ici, pour le bénéfice de mes lectrices et lecteurs, une traduction de mon cru d’une analyse très pertinente qu’il a justement signée à ce sujet il y a moins d’une semaine. J’espère que ce texte vous plaira et saura vous motiver dans la résistance à cette pandémie.

Churchill et la grippe

Les PDG et chefs d’entreprise sont actuellement appelés à prendre des décisions qui auront des conséquences potentielles de vie ou de mort. Andrew Roberts explore les pandémies qui ont façonnées Winston Churchill et les leçons que nous lègue son leadership.

Le seul poème que Winston Churchill ait écrit au cours de sa longue vie était intitulé « Influenza ». Il portait sur l’épidémie qui ravageait l’Asie et l’Europe et qui a finalement terrassé un million de vies humaines entre 1889 et 1890. Il avait alors quinze ans et les douze vers de son ouvrage avaient été publiés dans le journal de son école, The Harrovian. En voici les premiers vers:

Ô comment dois-je relater ses combats
Ou mesurer la somme incalculable
Des maux qu’elle a causés
De la lumineuse terre céleste de Chine 
Jusqu’aux sables assoiffés de l’Arabie
Elle a voyagé avec le soleil 

Dans chacune des strophes suivantes, Churchill avait ensuite suivi la trace géographique de la maladie vers l’ouest jusqu’à ce qu’elle atteigne la Grande-Bretagne, dans un mélange de rimes juvéniles (« Jusque dans les sombres plaines de Sibérie / Où les exilés russes peinés en chaînes ») et des éclairs occasionnels d’un genre linguistique vivant (« Fléau vil et insatiable », « Dont la main répugnante et la cruelle morsure / Dont le souffle empoisonné et l’aile flétrie ») qui devaient être entendus à nouveau six décennies plus tard lorsque Churchill sera aux commandes du pouvoir en temps de guerre.

Dans l’avant-dernière strophe du poème, l’épidémie s’était estompée :

Son pouvoir létal s’est essoufflé
Et avec les vents favorables du printemps
(Bienheureuse est la période que j’évoque)
Elle a quitté notre mère-patrie

Avant que la Covid-19 ne quitte nos frontières, y a-t-il quelque chose que nous puissions apprendre de la geste churchilienne au sujet de la meilleure réponse que nous pourrions apporter à cette crise?

Parfois sans succès, certains dirigeants ont déjà tenté de s’inspirer de Churchill dans la crise actuelle.

Parfois sans succès, certains dirigeants ont déjà tenté de s’inspirer de Churchill dans la crise actuelle. La BBC rapportait que le Premier ministre italien, Giuseppe Conte, « citait Churchill » dans son allocution à la population italienne quand il déclarait que: « Nous vivons notre heure la plus sombre, mais nous allons surmonter la crise. » En fait, Churchill évoquait la « plus belle heure » de la Grande-Bretagne dans son grand discours du 18 juin 1940, alors que Darkest Hour (l’heure la plus sombre) était plutôt le titre du film de Gary Oldman à son sujet.

Au cours de sa vie, Churchill a pu observer plusieurs grippes et épidémies pseudo-grippales. Pendant la période de la grippe espagnole de 1917-19, il avait d’abord occupé le poste de Secrétaire d’État aux Munitions, avant d’être appelé à servir en tant que ministre de la Guerre. Catharine Arnold, auteure de Pandemic 1918, relate qu’au cours des 25 premières semaines de cette horrible pandémie, pas moins de vingt-cinq millions de personnes en sont mortes. La maladie a fini par terrasser plus de cinquante millions de personnes et a peut-être même fauché jusqu’à cent millions de vies à travers le monde, c’est-à-dire beaucoup plus que les victimes du conflit mondial cataclysmique qui l’a chevauchée chronologiquement.

La grippe – que les « fausses nouvelles » alliées attribuaient dans leur propagande à un phénomène délibérément développé par des scientifiques allemands, de la même manière que la propagande allemande blâmait les scientifiques alliés – est devenue particulièrement virulente dans les endroits où la guerre causait déjà la malnutrition. Il est une statistique remarquable que des 116 516 militaires américains tombés au combat durant la Première Guerre mondiale, pas moins de 63 114 (54,2%) sont décédés de la maladie (principalement la grippe espagnole), tandis que 53 402 (45,8%) sont tombés sur les champs de bataille.

« Les découvertes de la science de la guérison doivent profiter à tous. Il s’agit là d’une évidence. Tout simplement parce qu’elle incarne l’ennemi, la maladie doit être combattue, qu’elle mine l’individu le plus pauvre ou le plus riche ; on doit s’y attaquer de la même manière que les sapeurs mobiliseraient tous leurs efforts à combattre les flammes, qu’elles s’attaquent à la plus humble des maisonnettes ou à la demeure la plus cossue. »

 Winston Churchill

 Discours au Royal College of Physicians, le 2 mars 1944

Le sous-titre que Laura Spinney a choisi pour son livre Pale Rider est « La grippe espagnole de 1918 et comment elle a transformé le monde ». Dans son ouvrage, elle explique comment la maladie avait été porteuse d’effets politiques, culturels et sociaux incroyablement puissants dans le monde de l’après-guerre, dans des sociétés encore sous le choc de l’Armageddon militaire. Elle lui attribue même l’ascension du grand adversaire de Churchill, Mahatma Gandhi, et du mouvement nationaliste indien, notamment en raison du fait que des millions de personnes ont succombé à la grippe dans ce pays, un fléau que les autorités britanniques n’avaient pas été en mesure de contenir.

« Nous vivons une période périlleuse », écrivait Churchill à Sir Thomas Inskip, le ministre de la Coordination de la défense, dans une lettre de janvier 1937 au sujet du programme de réarmement nazi. Plutôt qu’à la menace allemande, Churchill faisait référence à la grippe dont souffrait Inskip. Il enjoignait le secrétaire d’Inskip de ne pas lui montrer la lettre avant qu’il ne soit rétabli. « J’espère que vous vous assurerez de prévoir les périodes de convalescence nécessaires. Toute ma famille a été frappée par ce fléau mineur et un certain nombre de jours de repos complets et libres de tout travail est absolument nécessaire pour une récupération parfaite. Jusqu’à présent, j’ai survécu et si j’en réchappe, je l’attribuerai à une bonne conscience ainsi qu’à une bonne constitution. » L’épidémie de 1937 était en effet mineure par rapport aux éclosions antérieures. Cependant, bien qu’une bonne constitution ait pu en effet s’avérer utile pour atténuer les effets du virus, il existe peu de preuves épidémiologiques pour suggérer qu’une bonne conscience ait été utile.

Sir Patrick Vallance, conseiller scientifique en chef du gouvernement, déclarait que, compte tenu de son étendue, si la Grande-Bretagne s’en sortait avec seulement vingt mille décès causés par la Covid-19, comparativement aux huit mille qui succombent normalement de la grippe à chaque année, ce serait « un bon résultat », tout bien considéré. Il avait naturellement raison. Il est bénéfique de rappeler que la Grande-Bretagne a cependant pleuré pas moins de 19 240 décès le premier jour de l’offensive de la Somme, le 1er juillet 1916. La bataille devait se poursuivre pendant encore cinq mois. Churchill la dénonçait comme étant une perte de vie abominablement importante, et ce, en comparaison de la quantité minime de terrain gagné. Il y eut également plus de 38 000 blessés ce jour-là. En comparaison, ceux et celles qui survivront à la Covid-19 s’en sortiront indemnes, sans perdre les membres et les organes affectés suite aux combats qui faisaient rage sur le front occidental [pendant la Première Guerre mondiale].

Comprenez bien que personne n’est déprimé dans cette demeure. Nous ne sommes pas intéressés par des scénarios de défaite : ils sont inexistants. – la Reine Victoria

En 1940, Churchill avait fait placer une carte sur la table du bunker du Cabinet de guerre à Whitehall. Elle y est toujours exposée dans les Churchill War Rooms. La carte consistait en une citation extraite de la lettre envoyée par la reine Victoria à Arthur Balfour pendant la Black Week (semaine noire) – la pire semaine de la guerre des Boers, en décembre 1899 – et qui se lisait comme suit: « Comprenez bien que personne n’est déprimé dans cette demeure. Nous ne sommes pas intéressés par des scénarios de défaite : ils sont inexistants. » À l’heure où les foyers du pays s’isolent face à la Covid-19, il y aurait pire devise à adopter.

Les scientifiques devraient être omniscients et non omnipotents. – Winston Churchill

La fille de Churchill, Mary Soames, me racontait un jour qu’il ne fallait jamais supposer de « ce que papa aurait pensé ou dit » à propos d’une situation ou d’un phénomène survenu après son décès, survenu en janvier 1965. Inutile de faire preuve d’une imagination très fertile pour deviner que sa réponse à la Covid-19 aurait été – fidèle à son habitude – résolue, éclairée par les scientifiques sans jamais être dominée par eux. « Les scientifiques devraient être omniscients et non omnipotents », affirmait-il un jour. C’est donc une très bonne chose que notre Premier ministre [Boris Johnson] soit un admirateur – en fait un biographe – de Churchill.

Pour affronter le long terme qui nous attend, les gens doivent être remplis d’espoir. – Winston Churchill

Alors que PDG et cadres supérieurs doivent prendre des décisions qui auront des conséquences bouleversantes pour leurs employés, il existe une autre citation, cette fois extraite du grand discours de Churchill prononcé le 14 juin 1940, qui pourrait leur être utile, une fois adaptée aux exigences qui prévalent en temps de paix, comparativement à un contexte de guerre.

« Pour affronter le long terme qui nous attend, les gens doivent être remplis d’espoir », de déclarer Churchill à la Chambre des communes, seulement dix jours après que les nazis eurent forcé le Corps expéditionnaire britannique à évacuer le continent à Dunkerque. « La tragédie va-t-elle se répéter? Que non! Ce n’est pas la fin de l’histoire. Les astres proclament la délivrance de l’humanité. Il ne sera pas si facile d’entraver le progrès des peuples. Les lumières de la liberté ne s’éteindront pas si facilement. Mais le temps presse. Chaque mois qui s’écoule s’ajoute à la longueur et aux périls de la route à parcourir. L’union fait la force. Divisés, nous tombons. La division cause notre perte et contribue au retour de l’Âge des ténèbres. L’union nous permettra de sauver et guider le monde. »

Andrew Roberts est l’auteur de Churchill: Walking with Destiny (dont la version française sera publiée chez Perrin à la fin du mois d’avril). Il est également le Roger & Martha Mertz Visiting Reader à la Hoover Institution de l’Université de Stanford. Son épouse, Susan Gilchrist, est présidente du groupe Global Clients au sein du Brunswick Group.

Traduit et reproduit avec l’aimable permission de l’auteur.

Source : https://www.brunswickgroup.com/churchill-flu-pandemic-i15478/

Face à la Covid-19, la peur généralisée peut être transmuée en courage de masse, selon Antony Beevor

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Sir Antony Beevor, photographié dans son atelier d’écriture (source: The Times (Londres))

Ça faisait longtemps que j’y pensais, mais j’ai plongé ce matin.

J’ai écrit à l’un de mes historiens favoris, le très réputé Sir Antony Beevor, pour lui demander s’il accepterait de répondre à quelques questions pour ce blogue au sujet de sa perception de la crise que traverse l’humanité en raison de la Covid-19.

Sollicité de toutes parts par les médias britanniques et internationaux, Sir Antony était dans l’impossibilité, et c’est fort compréhensible, d’acquiescer à ma demande. Mais il m’a tout de même suggéré et permis de traduire et publier le contenu d’une tribune qu’il signait dimanche dernier dans le grand quotidien londonien The Mail on Sunday.

Pour ceux et celles qui sont à la recherche de suggestions pour de bonnes lectures durant cette période d’isolement involontaire, je me permets d’ailleurs de rappeler que Sir Antony est l’auteur des classiques Ardennes 1944, Arnhem et, plus récemment, d’une réédition de son fameux Stalingrad. Je suis d’ailleurs en train de lire le troisième, que je recenserai ici prochainement.

Voici donc, sans plus tarder, le fruit de sa réflexion devant la situation présente.

JE CRAINS QUE L’HUMANITÉ SOIT À UN POINT TOURNANT DE SON HISTOIRE. CE N’EST PAS LE MOMENT DE RECULER DEVANT DES SOLUTIONS DRASTIQUES (cliquez ici pour la version originale anglaise)

Par ANTONY BEEVOR

Une analyse sincère et profondément troublante, sous la plume de l’un des plus éminents historiens britanniques…

Les dirigeants européens ont commencé à établir des parallèles entre la crise de la Covid-19 et un état de guerre. Le terme en lui-même fait instinctivement penser à la Seconde Guerre mondiale.

Après moins d’une semaine, les dirigeants européens ont commencé à établir des parallèles entre la crise de la Covid-19 et un état de guerre. Le terme en lui-même fait instinctivement penser à la Seconde Guerre mondiale. Ils se souviennent peut-être de slogans appelant à rester calme et à continuer comme si de rien n’était, mais comme le Premier ministre [Boris Johnson] nous l’a rappelé, nous devons également commencer à penser aux nombres possibles de victimes. Il l’a souligné subtilement au début, affirmant simplement que de nombreuses familles « perdraient prématurément des êtres chers. »

Nous n’avons pas encore mesuré l’ampleur de la menace, malgré le fait qu’on nous ait indiqué quelques chiffres. Si les taux d’infection estimés et les taux de mortalité prévus actuellement sont fondés, il en découle que, sans intervention, le nombre de décès dans certains pays sera beaucoup plus élevé que le nombre de victimes enregistré pendant la Seconde Guerre mondiale.

La Seconde Guerre mondiale

Un rapport récent de l’Imperial College évalue que 81% de la population britannique pourrait être infectée, ce qui équivaudrait à 53,6 millions de cas. Parmi ceux-ci, l’Imperial College prévoit un taux de mortalité de 0,9%, de sorte que nous pourrions nous attendre à environ un demi-million de morts – un chiffre énorme.

Bien sûr, tous ces chiffres sont encore théoriques et les différentes combinaisons d’intervention à travers des degrés de distanciation sociale et d’isolement sur deux ans devraient réduire considérablement le bilan final, mais le vrai problème est que, comme le reconnaît l’Imperial College : « De très grandes incertitudes subsistent. »

En décembre 2016, Sally Davies, alors médecin-chef de la santé publique du gouvernement, admettait qu’après l’exercice Cygnus, une opération de planification d’urgence étalée sur trois jours pour une pandémie similaire à la Covid-19, on avait finalement jeté la serviette. « Il est devenu évident que nous ne pouvions composer avec le surplus de cadavres », se décourageait-elle.

Les données avec lesquelles les spécialistes travaillaient n’ont pas été révélés, mais comment les autorités médicales de ce pays ou de tout autre pays pourraient-elles disposer de plus d’un demi-million de cadavres, sauf par enterrements de masse dans des fosses pour la peste ou la crémation de masse? Et quelle serait la réaction du public? L’opération Cygnus était au moins prémonitoire, en sonnant l’alarme quant à la pénurie critique de ventilateurs pour suffire à la demande, mais peu de choses semblent avoir été faites pour y donner suite. Nous disposons d’un nombre total de 5 000, alors qu’on évalue que 60 000 à 100 000 pourraient être nécessaires en période d’hospitalisation maximale.

On estime que l’épidémie de grippe espagnole a infecté au moins 500 millions de personnes en 1918-1919, soit environ un tiers de la population mondiale. Les estimations des décès varient considérablement, de 17 millions à 100 millions, ce qui est beaucoup plus que le nombre total de décès au cours de la Première Guerre mondiale à elle seule.

Impossible de blâmer les dirigeants politiques d’avoir comparé la situation actuelle à un état de guerre, et ce, afin que les populations, toujours réticentes à mesurer l’ampleur de la menace, soient confrontées à la gravité de la situation.

On peut noter avec une amère ironie que cette crise éclate au moment même où nous approchons du 75e anniversaire du Jour de la victoire, célébrations qui devront également être annulées. Impossible de blâmer les dirigeants politiques d’avoir comparé la situation actuelle à un état de guerre, et ce, afin que les populations, toujours réticentes à mesurer l’ampleur de la menace, soient confrontées à la gravité de la situation. Il n’en demeure pas moins que la Seconde Guerre mondiale est devenue le point de référence dominant de presque toutes les crises et tous les conflits.

Dans les périodes turbulentes, nous mesurons l’importance de comprendre. Nous fouillons donc dans le passé, à la recherche d’un modèle, mais l’histoire n’est jamais un mécanisme de prévision. Et, dans ce cas, nous utilisons la rhétorique de guerre uniquement comme métaphore. L’ennemi n’est pas un autre pays, qui pourrait nous unifier à l’échelle nationale, mais une menace totalement invisible, laquelle pourrait donc s’avérer beaucoup plus clivante.

La possibilité de nous mesurer à ce qui devrait être une menace commune n’est certainement pas améliorée par la manière dont les alliances traditionnelles, y compris celle qui est sortie victorieuse de la Seconde Guerre mondiale, ont été jetées aux orties dans de nombreux pays.

Une coopération internationale est cependant nécessaire, si l’on veut contrôler l’infection et nous assurer que l’économie mondiale puisse survivre sous quelque forme que ce soit au lendemain de la crise.

Cela fait partie d’un réflexe nationaliste contre les effets de la mondialisation. Nous assistons même à une guerre de mots entre la Chine et les États-Unis, portant sur la responsabilité de la pandémie, Donald Trump qualifiant la Covid-19 de « virus chinois » et les Chinois essayant de faire porter le blâme aux militaires américains qui auraient introduit l’infection à Wuhan.

Une coopération internationale est cependant nécessaire, si l’on veut contrôler l’infection et nous assurer que l’économie mondiale puisse survivre sous quelque forme que ce soit au lendemain de la crise.

À ce stade-ci, des questions encore plus importantes se posent.

Sommes-nous, en fait, en train de vivre un moment de vérité, un tournant fondamental dans l’histoire du monde? Sommes-nous confrontés à une « tempête parfaite » assortie de crises médicales, environnementales et économiques qui se conjuguent? Les effets météorologiques extrêmes qui se sont manifestés au cours des 12 derniers mois, de la fonte accélérée des glaciers, des tempêtes féroces et des incendies catastrophiques survenus en Australie, marquent un point de bascule qui ne peut être ignoré, même à l’heure où nous sommes préoccupés par la Covid-19.

Pour réduire sérieusement les émissions de carbone à travers le monde, devons-nous évoluer vers un régime de rationnement énergétique – une forme de « socialisme de guerre » en quelque sorte? Une étude très récente de l’Université de Leeds couvrant 86 pays a apparemment établi qu’en matière de transport, les dix pour cent les plus riches de la population utilisent 187 fois plus de carburant que les dix pour cent qui se trouvent parmi les plus pauvres. De tous les vols aériens effectués par les Britanniques, seulement 15% de la population se retrouve à la porte d’embarquement de 70% d’entre eux.

Ces dernières années, certains ont déjà proposé un système à l’intérieur duquel les mieux nantis devraient acheter des miles aériens aux plus démunis, s’ils souhaitent dépasser leur propre quota. Cela contribuerait modestement à la réduction des inégalités.

Le paradoxe est frappant. Une forme extrême de socialisme a été rejetée par une forte majorité d’électeurs ayant voté lors du scrutin général de l’année dernière. Confronté à une pléthore de crises, le nouveau gouvernement conservateur devra probablement envisager de nombreuses mesures désagréables, y compris une nationalisation à grande échelle.

Le paradoxe est frappant. Une forme extrême de socialisme a été rejetée par une forte majorité d’électeurs ayant voté lors du scrutin général de l’année dernière. Confronté à une pléthore de crises, le nouveau gouvernement conservateur devra probablement envisager de nombreuses mesures désagréables, y compris une nationalisation à grande échelle. L’histoire est riche de tels exemples. Pendant la Première Guerre mondiale, le gouvernement du Kaiser en Allemagne a été contraint d’introduire la forme la plus extrême de socialisme de guerre en Europe, et ce, à l’encontre de tous ses instincts réactionnaires. On limitait même le nombre de paires de bottes que chaque personne pouvait posséder.

Contrairement à ces pays où trône l’ethos d’un État complètement centralisateur, nous avons depuis longtemps, dans ce pays, une réaction instinctive aux contrôles gouvernementaux excessifs. La plupart des historiens sont d’avis que cela remonte au 17ème siècle et à la domination des majors-généraux sous Cromwell et le protectorat.

Pourtant, dans les deux guerres mondiales – en 1914 avec la Defence of the Realm Act et en 1939 avec la Emergency Powers Act – la grande majorité de la population britannique s’est mobilisée pour soutenir des mesures draconiennes.

L’histoire n’est peut-être pas un mécanisme de prédiction, comme je l’ai mentionné, mais elle fournit au moins certains indicateurs des conséquences auxquelles nous sommes susceptibles d’être confrontés dans un avenir relativement proche. Ce n’est pas le temps de flancher lorsque vient le temps d’en tenir compte. Il est difficile de mesurer les effets de la pandémie de la grippe espagnole sur les revenus, en raison de fait que la majeure partie de la population active servit sous les drapeaux ou travaillait dans des industries de guerre pendant une partie de la période. Mais à en juger par la peste noire, même un nombre relativement restreint de victimes augmenterait considérablement le coût de la main d’œuvre et déclencherait ainsi une poussée inflationniste.

Naturellement, les survivants moins bien rémunérés qui recevraient des augmentations de salaires importantes n’y verraient rien de mal. Nous pouvons cependant être raisonnablement convaincus que les prix de l’immobilier vont chuter, à la fois en raison de la chute désastreuse des cours sur les marchés financiers, mais aussi parce que le nombre de décès allégera presque certainement la pression sur le logement.

Dans tous les cas, la nature de la crise est telle que l’ensemble de l’ordre économique international sera transformé par les conséquences.

Les faillites d’entreprises et individuelles sont appelées à monter en flèche. Les compagnies d’assurance seront certainement en danger. (Sans aucun doute, seuls les avocats bénéficieront de la répartition des responsabilités.) Ce qui est peut-être encore pire, c’est que de nombreuses études révèlent que la grande majorité de la population ne dispose pratiquement d’aucun coussin financier pour survivre même à une période de chômage relativement courte. De nombreux gouvernements européens ont pris l’engagement d’apporter de l’aide, mais il y a des limites à ce que tout gouvernement peut faire. Aurons-nous enfin recours à un revenu universel de base? Dans tous les cas, la nature de la crise est telle que l’ensemble de l’ordre économique international sera transformé par les conséquences.

On peut également s’attendre à une hausse de la criminalité. D’un côté, vous pourriez avoir des gens désespérés décidant d’ignorer la loi, peut-être même de pénétrer dans des magasins de plongée pour obtenir des réservoirs d’oxygène pour aider un parent malade, jusqu’aux criminels professionnels profitant du fait que les services d’urgence sont débordés. Les escrocs et les voleurs sont déjà au travail, faisant du porte-à-porte pour proposer de faux tests de coronavirus comme méthode d’entrée. Les cambrioleurs s’en donneront à cœur joie, sachant que même si quelqu’un appelle la police lorsque les systèmes d’alarme se déclencheront, rien ne se produira. La police a malheureusement annoncé les limites de son action, en déclarant qu’elle ne répondrait qu’aux urgences où la vie est en danger.

Devant autant de préoccupations, nous ne devons pas gommer la crise environnementale du réchauffement mondial qui se produit simultanément. À mesure que les migrations augmenteront à partir de régions devenues inhabitables, ses conséquences se feront sentir localement, mais surtout internationalement. L’Europe ne peut survivre sous quelque forme que ce soit sous sa forme démocratique actuelle, si elle est ciblée par des vagues de migrants encore plus importantes en provenance d’Afrique et du Moyen-Orient.

La menace de conflits portant sur les sources d’eau augmente, tandis que la Région du pourtour Pacifique, qui dépend de la pêche, fait déjà face à une pénurie de vie marine à mesure que les océans se réchauffent.

Ceux d’entre nous qui sont âgés de 70 ans et plus et qui sommes reconnus comme étant les plus menacés par la Covid-19 doivent affronter cette loterie avec autant de bonne grâce que possible. Mais ma plus grande préoccupation est pour nos enfants et leur génération. Leur vie sera peut-être encore plus bouleversée que celle des contemporains de mon père pendant la Seconde Guerre mondiale, lesquels ont sacrifié six ans de leur jeunesse.

Otto von Bismarck déclarait un jour cyniquement que la seule chose que nous apprenons de l’histoire, c’est que personne n’en retient rien.

Mais nous pouvons sûrement tirer une leçon très importante de la Seconde Guerre mondiale. La plus grande menace à laquelle nous sommes confrontés est la fragmentation sociale face au danger existentiel. Avec un leadership solide, comme Churchill l’a démontré pendant la Seconde Guerre mondiale, la peur généralisée peut être transmuée en courage de masse.

Antony Beevor est l’auteur de La Seconde Guerre mondiale, publié chez Calmann-Lévy (2012).

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Version originale : Mail on Sunday, dimanche le 22 mars 2020, pages 20-21. Reproduit avec la généreuse permission de l’auteur.

S’adapter pour vaincre la Covid-19

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Michel Goya

Puisque nous sommes maintenant confinés à la maison pour quelques semaines en raison de la pandémie de la Covid-19, j’ai beaucoup plus de temps pour lire. Ce qui me réjouit. Je viens donc de commencer la lecture du dernier (et fascinant) livre S’adapter pour vaincre : comment les armées évoluent de Michel Goya – ancien colonel des troupes de marine (France) et spécialiste de l’histoire militaire de renommée internationale.

Dans son introduction, il réfère à ces organisations et puissances militaires qui « […] ont fait face à des défis terribles et ont essayé de s’adapter pour vaincre. » À elle seule, cette citation est assez frappante à la lumière du défi que nous sommes collectivement appelés à confronter.

Je ne voulais donc pas attendre d’en avoir terminé la lecture pour lui poser quelques questions, puisque le titre, je le crois, témoigne de l’état d’esprit qui doit tous nous habiter dans la crise actuelle que nous traversons. Avec empressement, M. Goya a aimablement accepté de me répondre et je lui en suis très reconnaissant. Voici donc le contenu de notre échange.

Parler de lutte contre le virus aurait été plus juste, mais cela aurait sans doute eu un effet moins fort. L’emploi du terme « guerre » est donc abusif, mais symboliquement efficace et c’est ce qui importe le plus dans l’immédiat.

Il y a quelques jours, le président Macron déclarait : « Nous sommes en guerre sanitaire » et le thème d’une guerre à la pandémie revient dans plusieurs interventions de responsables gouvernementaux. Dans quelle mesure estimez-vous que l’utilisation de cette rhétorique « guerrière » est justifiée ?

SAdapterPourVaincreLa guerre est un acte politique par lequel on s’efforce d’imposer sa volonté par la coercition à une autre entité politique, étatique ou non, que l’on a désigné « par déclaration » comme ennemie. C’est une confrontation violente des volontés. En ce sens déclarer la guerre à un virus, au terrorisme ou à ses kilos en trop est sémantiquement faux et peut entrainer des confusions. Inversement on peut être réellement en guerre et ne pas le dire. Le lendemain de l’embuscade de la vallée afghane d’Uzbin en 2008 où dix soldats français avaient été tués au combat, on a demandé au ministre de la Défense si on était en guerre et il a répondu non. Car le mot « guerre » contient lui-même une forte charge symbolique qui renvoie à des pans tragiques de notre histoire. De fait, on ne l’emploie pas lorsqu’on veut rassurer ou simplement cacher les choses et on l’utilise au contraire lorsqu’on veut leur donner un éclat particulier, mobiliser les énergies et donner de la légitimité à des choses difficiles, même si on ne se trouve plus dans un contexte d’affrontement politique.

Parler de lutte contre le virus aurait été plus juste, mais cela aurait sans doute eu un effet moins fort. L’emploi du terme « guerre » est donc abusif, mais symboliquement efficace et c’est ce qui importe le plus dans l’immédiat.

S’adapter consiste donc d’abord à révéler, presque au sens chimique, les habitudes qui doivent être remplacées ou modifiées. Cela passe forcément par une phase d’explicitation, on parle, on débat, on propose et on fait ensuite en fonction de ses risques et des possibilités.

Comment la capacité d’adaptation des forces armées dans leurs stratégies et leurs opérations peut nous aider à affronter cette crise ?

Pour une organisation, s’adapter consiste à changer une pratique afin de la rendre plus adaptée à l’environnement du moment. La pratique correspond à ce qu’une armée est réellement capable de faire face à un ennemi et c’est un mélange de savoir-faire, de façons de voir les choses, au sein de structures et avec des équipements particuliers. C’est aussi globalement une somme d’habitudes et les habitudes sont largement implicites. S’adapter consiste donc d’abord à révéler, presque au sens chimique, les habitudes qui doivent être remplacées ou modifiées. Cela passe forcément par une phase d’explicitation, on parle, on débat, on propose et on fait ensuite en fonction de ses risques et des possibilités. L’armée française qui combat sur la Marne en septembre 1914 n’est plus la même qui celle qui combattait aux frontières à peine quelques jours plus tôt, car les innovations s’y sont multipliées, peu dans les équipements, mais beaucoup dans les méthodes, et s’y sont diffusées horizontalement. Mais cela n’a été possible que parce que les unités de combat avaient eu les moyens d’expérimenter des choses auparavant et qu’elles se retrouvent enrichies d’un seul coup par l’arrivée de réservistes qui apportent aussi leurs compétences civiles.

Le commandement organise tout cela et ajoute un cycle plus long et plus profond. Il y a une circulation rapide de l’information vers le sommet, grâce aux comptes rendus systématiques après une opération ou l’envoi sur le terrain d’officiers observateurs. Cela forme la masse d’informations qui permettra de définir une nouvelle doctrine, c’est-à-dire à la fois un état de l’art en unifiant ce qui se fait de mieux et un guide pour l’avenir. Il faut ensuite transformer cette doctrine en nouvelles habitudes par des ordres, des règlements et surtout des formations. Ce processus est plus long, mais on est capable de faire évoluer en profondeur des structures de plusieurs millions d’individus en quelques mois, parfois moins. Il y a aussi tous ceux qui regardent vers l’extérieur et se connectent avec les ressources externes, l’industrie en particulier. Le visage technique de l’armée française de la Grande Guerre est transformé par une dizaine d’officiers experts dans leur domaine, les chars, les ballons, la radio, etc., et à qui on fait confiance pour développer des projets avec des entreprises civiles.

En résumé, une armée adaptative se connait bien et s’observe en permanence comme elle observe son ennemi et aussi ce qui peut l’aider dans la société. Elle fait confiance et aide ceux qui expérimentent des solutions nouvelles pour remplir leur mission, tout en donnant toujours un cadre à l’évolution.

Toute la difficulté est de […] se détacher du visible et du court terme pour se rappeler qu’il faut aussi se préparer à l’inattendu.

À la lumière de votre livre, que j’aurai le plaisir de recenser très prochainement, quels enseignements nos dirigeants (dans le monde politique et de la santé) peuvent retirer de l’évolution des armées, puisque nous parlons bien ici d’un champ de bataille face à la pandémie ?

Il existe deux types d’évènements à gérer. Les premiers sont prévisibles même avec quelques inconnues et relèvent de la gestion courante, les seconds sont imprévisibles et relèvent, sauf s’ils sont heureux mais c’est rare, de la gestion de crise. Les deux types d’évènements ne relèvent pas des mêmes logiques et celles-ci peuvent même être contradictoires.

La force nucléaire française est par essence une structure organisée pour la crise. Elle agit tous les jours pour dissuader d’une attaque majeure et si celle-ci doit survenir, elle peut résister à peu près à tout, y compris à des frappes thermonucléaires, et riposter. Mais pour cela cette force est redondante, il y a quatre sous-marins lanceurs d’engins pour en avoir un en permanence en mer, et diversifiée, il y aussi des avions qui disposent de munitions variées et il y a quelques années il y avait également des missiles enterrés dans des silos. Il est impossible de tout détruire en même temps. Il en de même pour les réseaux de communications entre le chef de l’État et la force de frappe, également diversifiés et redondants. Dans le même temps, on surveille attentivement tout ce qui pourrait nous rendre vulnérables et lorsqu’on décèle un risque on s’empresse d’innover pour le prévenir.

Tout cela a forcément un coût. Un principe de base de tout dispositif militaire est de conserver un « élément réservé », une force maintenue en arrière pour faire face aux imprévus ou aux opportunités. Ce stock inactif fait évidemment horreur à une gestion comptable soucieuse de faire des économies. Le ministère du Budget et des Finances est donc souvent en temps de paix le premier ennemi des forces armées. En 1933, alors qu’Hitler arrivait au pouvoir en Allemagne, la France réduisait le budget de la Défense et supprimait des milliers de postes. En 1939, à quelques mois de l’entrée en guerre du Royaume-Uni l’Échiquier, le ministère des Finances, freinait encore l’augmentation du budget des armées en expliquant que la priorité était la défense de la monnaie. La logique de gestion continue n’est pas du tout celle de la crise intermittente. Plus on applique la première et plus on se fragilise lorsqu’il faudra appliquer la seconde. Toute la difficulté est de parvenir à concilier les deux, se détacher du visible et du court terme pour se rappeler qu’il faut aussi se préparer à l’inattendu.

Les férus d’histoire aiment comparer le passé avec le présent, tirer des enseignements du premier pour le second. Quel modèle, parmi ceux que vous avez étudiés, serait le plus apte à nous inspirer en ce moment ?

Celui de la première mondialisation, ou deuxième si on considère comme telle la période des « Grandes découvertes » du XVe/XVIe siècle. Avec la Révolution industrielle, les sociétés commencent à changer très vite. On ne meurt plus du tout dans le même pays où on est né même si on n’a pas bougé. Il faut donc apprendre à gérer ce changement permanent et les évolutions brusques, souvent tragiques, liées à l’ouverture du monde. C’est la raison pourquoi je commence mon livre par l’exemple de l’armée prussienne qui est la première structure à intégrer la notion de changement. Le Grand état-major prussien doit dans un monde turbulent préparer à la guerre une armée qui repose sur la mobilisation de réservistes et qui ne combat pas. Il lui faut inventer de nouvelles méthodes pour apprendre sans faire et pour organiser une structure permanente au sein d’une société qui change. C’est la première technostructure moderne.

Il est symptomatique que le Japon, la Corée du Sud, Taïwan, Hong Kong et Singapour aient tous des stratégies différentes pour freiner la pandémie, mais qu’elles fonctionnent toutes.

De par le monde, quel (le) dirigeant(e) répond le mieux, selon vous, aux exigences de la situation, en termes d’adaptation à la situation ?

On évoque évidemment la gestion de la pandémie par les pays asiatiques, ceux que l’on appelait autrefois les « dragons ». Une fois passé le problème de la révélation du problème, toujours un peu difficile dans des cultures et/ou des systèmes politiques où cela signifie avouer une erreur ou critiquer un supérieur, la réaction y est toujours bien organisée grâce à une discipline collective. Autrement dit, le processus montant d’évolution y est peut-être plus problématique qu’en France ou au Royaume-Uni par exemple, mais le processus descendant y est plus facile. Il est symptomatique que le Japon, la Corée du Sud, Taïwan, Hong Kong et Singapour aient tous des stratégies différentes pour freiner la pandémie, mais qu’elles fonctionnent toutes.

On résiste mieux aux situations difficiles lorsqu’on a le sentiment que l’on a une prise sur les évènements, même si c’est une illusion. […] Faire dans la limite du risque acceptable, mais ne pas subir.

Vous avez servi en tant qu’officier dans les Forces armées et vous avez commandé des troupes sur des théâtres d’opérations (je pense à l’ex-Yougoslavie si ma mémoire est bonne). Quels conseils donneriez-vous à vos troupiers dans une telle situation ?

De rester calme, mais d’agir. On résiste mieux aux situations difficiles lorsqu’on a le sentiment que l’on a une prise sur les évènements, même si c’est une illusion. Il faut donc agir, et généralement agir vite, ce qui signifie que l’on n’a pas le temps d’évaluer toutes les possibilités et de de sélectionner, mais d’adopter la première solution qui paraît correcte. Faire dans la limite du risque acceptable, mais ne pas subir.

Il faut trouver des solutions, agir pour soi et autant que possible pour les autres même à distance, et s’efforcer de conserver des liens même sans contact physique.

On résiste mieux aussi quand on est plusieurs. Plus exactement, parce qu’on est au cœur d’un réseau de liens d’amitiés et de responsabilités qui nous poussent à faire des choses pas naturelles comme prendre des risques mortels. Il faut préserver et cultiver ces liens. Tout cela n’est évidemment pas évident dans une situation de pandémie puisqu’elle conduit la plupart à justement moins agir et à se dissocier des autres. Il faut trouver des solutions, agir pour soi et autant que possible pour les autres même à distance, et s’efforcer de conserver des liens même sans contact physique. Les armées créent aussi toujours un sentiment d’appartenance à une communauté, on échange le prestige ou la force de cette communauté contre un comportement courageux. Une crise surtout lorsqu’elle provient d’un élément extérieur à la communauté doit être l’occasion de ressouder celle-ci, non seulement pour elle, mais parce que cela aide chacun de ses membres.

D’où également la nécessité pour les dirigeants de donner une ligne de conduite, même difficile et peut-être même surtout difficile, et un espoir.

Quelle(s) erreur(s) devons-nous absolument éviter de commettre dans une situation de crise ?

Céder au découragement et à la panique. Il en va des nations comme des individus, la situation de crise est mobilisatrice et le reste si après avoir identifié le danger et lancé la mobilisation générale, on peut répondre par l’affirmative à quelques questions : sommes-nous prêts à faire face ? Avons-nous les moyens ? Savons-nous quoi faire ? S’il y a un doute ou si la réponse dominante est plutôt non, le stress augmente. Il arrive un point où on ne sait plus quoi faire, on attend en vain des ordres ou des modèles, et s’ils ne viennent on imitera et c’est ainsi que commencent les paniques comme le grand exode des Français en 1940. Au bout du processus, c’est l’effondrement. D’où effectivement l’intérêt d’avoir anticipé les situations de crise et de s’y être préparé, pas seulement matériellement, avec des réserves en tous genres y compris d’idées, et d’avoir préparé la population à cette possibilité. D’où également la nécessité pour les dirigeants de donner une ligne de conduite, même difficile et peut-être même surtout difficile, et un espoir.

Mais plus que des individus, ce sont les structures qui m’intéressent. La manière dont justement les États-Unis ont préparé et organisé l’économie de guerre ou la manière dont les Britanniques se sont organisés alors qu’ils étaient isolés et en grand danger est d’un point organisationnel tout à fait remarquable.

Quel chef de guerre — passé ou présent — vous inspire le plus en période de crise ?

Ce sont les nations qui font les guerres et non les armées, je serai donc tenté de citer Clemenceau ou Churchill comme des exemples, assez évidents en fait, de grands chefs de guerre. Avec Churchill, Roosevelt, Mackenzie King et de Gaulle dans des circonstances particulières, on ne peut d’ailleurs que se féliciter de la qualité des dirigeants des grandes démocraties pendant la Seconde Guerre mondiale. Ils succédaient il est vrai souvent à de plus médiocres. Mais plus que des individus, ce sont les structures qui m’intéressent. La manière dont justement les États-Unis ont préparé et organisé l’économie de guerre ou la manière dont les Britanniques se sont organisés alors qu’ils étaient isolés et en grand danger est d’un point organisationnel tout à fait remarquable.

Finalement, je voulais attendre après la publication de ma recension pour vous poser cette question, mais je plonge immédiatement… Travaillez-vous à un nouveau livre actuellement ? Dans l’affirmative, êtes-vous en mesure de nous divulguer le sujet ?

Je travaille sur un livre sur la manière dont la France de la Ve République fait la guerre depuis la fin de la guerre d’Algérie. Je m’intéresserai ensuite justement à l’histoire militaire de la guerre d’Algérie.

Fighting Covid-19 with “The Weapon Wizards”

WeaponWizards“The most important 6 inches on the battlefield is between your ears.” – James N. Mattis

Israeli soldiers have always impressed me. Because they know how to use their brains.

Few years ago, I was impressed to observe several young Israeli soldiers carrying their Tavor assault rifle – which was selected by the IDF to replace the M-16 – a weapon better adapted to urban warfare, which is a necessity for the Israel’s Defense Force (IDF).

In itself, the apparition of the Tavor is a vignette of Israel’s legendary capacity to find a solution to a challenging situation.

Few weeks ago, I reviewed Shadow Strike: Inside Israel’s Secret Mission to Eliminate Syrian Nuclear Power by Yaakov Katz. After finishing that excellent book, I decided to read the first book he wrote with Amir Bohbot, The Weapon Wizards: How Israel Became a High-Tech Military Superpower.

And that proved to be a delightful read.  

The authors recount how, in the days preceding the country’s Declaration of Independence in 1948, the leaders of the Yishuv understood that they could not only count on others to build up and develop their military and defense infrastructure. The kibbutzim who fabricated ammunition clandestinely paved the way to a country that is now the 8th largest arms exporter in the world and became “[…] the world’s largest exporter of drones”, while also developing discreet relations with China at the height of the Cold War.

Barack Obama is the godfather of the Iron Dome missile defense system.

It is therefore enthralling to learn how drones – a common feature in current military operations nowadays – were invented in the late 1960s by an Israeli innovator who had to surmount lots of opposition. Or how President Barack Obama’s intervention represented a lifesaver for the Iron Dome, after one of his advisors “[…] was struck by Israel’s lack of strategic depth and how close towns and cities were to the threats brewing in the North and South. When Kahl returned to Washington, he drafted a memo recommending that the White House immediately authorize $200 million in Iron Dome funding.”

I might ruffle a few feathers here, but I think that Barack Obama therefore became the godfather of a military invention that is “the world’s most deployed missile defense system, with more than 2000 interceptions and a success rate greater that 90%.

Autistic people serve in the IDF in a subunit of highly qualified people.

Thanks to Katz and Bohbot, the reader understands that, while Israel lacks geographical strategic depth, this feature is largely compensated by the resourcefulness of its people. The most interesting passage of the book is when the authors write about a special form of recruitment in Israel’s Armed Forces. “Gathering the intelligence is only half the job. The other half is analyzing the imagery. For that, the IDF created a subunit of highly qualified soldiers who have remarkable visual and analytical capabilities. The common denominator among its members is just as remarkable: they all have autism.”

I can think of no other country that does this.

In the IDF, a noncommissioned officer can argue with a general.

In terms of uniqueness, there is another aspect that struck me in the form of “[…] the country’s infamous casualness and informality.” They give the examples of a noncommissioned officer who argued with a general or the reservists who complained directly to the Prime Minister’s Office about a commander who lacked leadership, therefore blocking his promotion. In most of the military structures, an argument and / or a complaint represents the end of one’s advancement. Katz and Bohot write that “creativity can only happen when people come together and exchange ideas. To do that, they need to know each other and share the same language and culture. In Israel, they do that in the army.”

ChutzpahDefinitionAnyone who spent some time in Israel understands the notion that Israelis have no difficulties bending the rules. Oftentimes, the book refers to an occasion when an inventor or innovator used what we call “chutzpah” (a word that is often used between the covers) to progress, violating regulations or bypassing the chain of command to get in touch directly with the Minister of defense. These innovators know that the battlefield is only a few kilometers away and that “[…] if Israel is not creative in its thinking, there is a chance it will not survive.”

Israel’s military capabilities depend on its capacity to adapt and embrace technological and scientific innovation. Those who wear a lab coat and annoy the top brass with their disruptive ideas are responsible for giving the men and women in uniform the edge they need on the battleground to carry the day.

The brains of Israeli’s innovators represents the strategic depth of the country’s defense.

The Weapon Wizards is not only a brilliant exposé of Israel’s military technology. It’s also a colourful account of what makes the IDF so unique and forward-thinking, the brilliance of its people, which is the best possible insurance policy for the future.

All of this said, I have only one regret about The Weapon Wizards: not having read it before. And I’ll be very curious to read anything that I’ll be able to put my hands on about the Rafael defense technology company – a fascinating ambassador of Israel’s capacity to develop effective military solutions against all odds.

In this difficult period where many of us are called to stay home to better fight the Covid-19 pandemic, many are finding themselves with more time to read. All those who nourish an interest in military history will love this book. Trust me.

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Yaakov Katz and Amir Bohbot, The Weapon Wizards: How Israel Became a High-Tech Military Superpower,New York, St. Martin’s Press, 2017, 304 pages.

I would like to express special thanks to Mr. Joseph Rinaldi of St. Martin’s Press for his kind and precious assistance.

Q & A with CDR Guy M. Snodgrass (USN, Retired)

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Commander Guy M. Snodgrass (USN, Retired), author of Holding the Line: Inside Trump’s Pentagon with Secretary Mattis.

In the process of writing my review of his excellent book, Holding the Line: Inside Trump’s Pentagon with Secretary Mattis, I got in touch with Commander Guy M. Snodgrass (USN, Retired), asking if he would agree to respond to a few questions for my readers. Despite a busy schedule and numerous media requests in relation with his book, he kindly accepted. I’m both grateful and impatient to put my hands on his upcoming book.

Commander Snodgrass, what’s your favorite political memoir, apart from Peggy Noonan’s (I assume it’s on the top of your list)?

All Too Human: A Political Education by George Stephanopoulos.

His favorite bios are the ones written about Henry Kissinger and George H. W. Bush

What’s your favorite biography? (My little finger tells me it might be “Kissinger” by Walter Isaacson).

Either Kissinger by Walter Isaacson (for it’s no-holds portrayal of Kissinger) or Power and Destiny by Jon Meacham (the biography of former President George H. W. Bush).

Given your past career, you certainly nourish an interest in military history? What’s your favorite book in that category?

I’ll give you the standard TOPGUN answer to your question: it depends. I have a lot of ‘favorites’ depending on the application or topic at hand. Top three are: Eisenhower At War by David Eisenhower, The Nightingale’s Song by Robert Timberg, and The Encyclopedia of Military History by Ernest and Trevor Dupuy. For fun I’ll throw in Robin Olds’s Fighter Pilot.

NATO Secretary General Jen Stoltenberg is largely unflappable, calm under pressure, and a gifted politician who never seemed to be a loss for words during a press conference.

During your tenure with Secretary Mattis, which international personality (military or political) left the best impression on you and why?

Jen Stoltenberg, Secretary General of NATO. He is largely unflappable, calm under pressure, and a gifted politician who never seemed to be a loss for words during a press conference.

The U.S. must find ways to coexist with both nations (Russia and China) on the world stage while holding the line with regards to U.S. interests.

I’d be very curious to know if you share Henry Kissinger’s vision about Russia and China? (I would have loved to read more about it in your book, but I understand it was not its scope)

No, at least not the way Kissinger views them now. Russia and China actively work to subvert U.S. influence around the world. Kissinger is far too eager to rush into their arms from what I’ve seen from him in recent years. Regardless, the U.S. must find ways to coexist with both nations on the world stage while holding the line with regards to U.S. interests.

Are you working on another book or is it something you are planning?

Yes: TOPGUN’s TOP 10: Leadership Lessons from the Cockpit (just posted on Amazon). An opportunity to share the most powerful lessons I learned during my time as a TOPGUN Instructor.

I was raised to put service before self, which is why a military career was so satisfying. I’m certainly open to pursuing a pathway that leads to a return to public service.

Would you consider a run for political office in the future?

Would I? Possibly. Both U.S. political parties are incredibly unsettled at the moment, so I have a hard time determining if recent shifts in platforms are permanent or merely a reaction to President Trump. I was raised to put service before self, which is why a military career was so satisfying. I’m certainly open to pursuing a pathway that leads to a return to public service. In the meantime, it’s an honor to be able to publish and make a positive impact in the lives of others.

De l’importance de la Chine

OlivieriChine
Photo prise le 6 mars 2020 à la Librairie Oliveri de Montréal.

La librairie Olivieri de Montréal est l’une de mes favorites. Il est pratiquement impossible d’en ressortir les mains vides. Je suis passé par cette vénérable institution du chemin de la Côte-des-Neiges hier soir et je fus agréablement surpris de constater que les questions relatives à la Chine (histoire, diplomatie, philosophie et diplomatie) y occupent une place prépondérante. La photo que j’ai prise de la table sur laquelle sont posés les titres offerts à la clientèle à cette fin pourra vous en convaincre.

Comme quoi, l’Empire du Milieu occupe non seulement un positionnement dominant dans la géopolitique mondiale, mais aussi dans les préférences de lecture de plusieurs. Ce qui constitue un très bon signe, selon moi. Puisque, comme le disait si bien l’ancien président français François Mitterrand, « savoir, c’est pouvoir. »

On entend beaucoup parler de la Chine ces temps-ci dans les médias en raison de la crise du Coronavirus et des tragédies qui y sont associés (comme cet hôtel reconverti en site de quarantaine qui s’est effondré), mais il serait réducteur et néfaste de confiner notre champ de vision à ce seul sujet. Ce pays revêt une importance beaucoup plus significative pour la géopolitique mondiale. Et un jour se lèvera où le virus aura pris place dans les pages de l’histoire, mais la grande question de la place de Pékin dans le monde subsistera et elle devra continuer de se retrouver au coeur de nos réflexions et de nos actions.

J’ai l’intention de passer quelques heures le nez plongé dans le dernier livre de Jean-Pierre Raffarin, Chine, le grand paradoxe, dans les prochains jours. J’ai d’ailleurs l’intention de le recenser sur ce blogue dans les prochaines semaines.

Je vous laisse avec ce proverbe chinois selon lequel « Un ami, c’est une route, un ennemi, c’est un mur. » (lu au début du livre Les défis chinois de Éric de la Maisonneuve). Y trouverions-nous un résumé de la philosophie devant nous guider dans notre compréhension de cette contrée fascinante mais méconnue?

Avigdor Lieberman, kingmaker

AvigdorLieberman

Avigdor Lieberman, leader of the Yisael Beytenu and holder of the political balance in the aftermath of Monday’s (March 2) elections.

The Jerusalem Post reports that “Prime Minister Benjamin Netanyahu suffered a blow on Thursday afternoon when Yisrael Beytenu leader Avidgor Lieberman endorsed Blue and White leader Benny Gantz’s efforts to pass a law that would prevent and indicted MK from forming a government.

Mr. Netanyahu therefore seems to be in a much tougher position than he seemed to be in the aftermath of Monday’s elections.

Lieberman’s ultimate goal is to topple Netanyahu.

I was personally under the impression that the Soviet-born leader – who once worked as a bouncer in his younger days – would play the kingmaker for Netanyahu (who is short of 3 seats to form a government), but it appears that “Lieberman’s ultimate goal is to topple Netanyahu”, confided a well-informed source close to Israel’s political circles.

From now on, the two options are either the formation of a national unity government, with a rotation in the Prime Minister’s chair, a scenario that seems to be ruled out by the leader of the Likud, or new elections, which would be the fourth round within a year. With both blocs (Netanyahu’s and the opposition led by Benny Gantz’s Blue and White party) pretty unmovable in their positions, it would be foolish to discard the latter option, according to the same source.

Netanyahu is a fighter and probably the smartest guy in the world.

But don’t count Netanyahu out yet. “He’s a fighter and probably the smartest guy in the world”, declares my source.

Today’s events are a turning point in Israeli politics and Monday night’s foregone conclusion that PM Netanyahu’s victory would permit him to stay in office appears more elusive as every hour goes by.

Breaking news reporting that Lieberman might recommend Benny Gantz for Prime Minister confirms my conviction that Israeli politics is one of the most fascinating in the world.

But my feeling is that one shouldn’t count Netanyahu out yet. He has more than one trick up his sleeve.

Netanyahu’s reelection – I told you so!

NadeauWithNetanyahu2007
The author photographed with Opposition leader Benjamin Netanyahu in 2007.

In light of yesterday’s historic elections in Israel and the resounding victory of Prime Minister Benjamin Netanyahu for a fourth consecutive term (his fifth) at the helm of the government, I find it pertinent to post here the content of an op-ed I have penned, 14 years ago this month, about this legendary statesman. Many people were then very skeptical about my prediction. But history and the leader of the Likud have proven me right.

Netanyahu is not finished
by Marc Nadeau
(originally published in the Record (Sherbrooke), Friday. March 31st, 2006, p. 7)

Conventional wisdom suggests that Benjamin Netanyahu was the great loser of this week’s election in Israel. Finishing fifth, the Likud Party he has led since Ariel Sharon departed to create Kadima sustained its worst defeat since its creation in 1973.

Even before voters went to the polls, pundits and observers predicted that Netanyahu would be challenged for the leadership of his own party.

The Likud finished not only behind the ruling Kadima and the Labor Party, but was also eclipsed by the Shas, a party popular among Orthodox Jews and Beiteinu, an outfit that draws most of its support from Russian-born immigrants.

Consequently, some say that the traditional voice of conservatism in Israeli public life may has lost its pertinence. For many reasons, it’s far too soon to conclude that.

If he decides to stay on, the man who led his country as prime minister from 1996 to 1999 is not finished.

In the past, Netanyahu has shown a legendary resilience. He not only came back from oblivion after his defeat in 1999, becoming minister of foreign affairs and minister of finance, but when Sharon left the Likud last November, it fell to him to pick up the shattered pieces of a party that lost an important number of members.

The result of this week’s election was not a personal defeat, but rather a testimony that Israeli politics have dramatically changed in the past few months. Thus, he should not shoulder the exclusive blame for Tuesday’s electoral outcome.

Analyzing the results further, one can also note that the Likud’s agenda did not spur popular passion this time.

About security issues – Netanyahu’s forte – the former Prime Minister was hardly a match for another leader – new Prime Minister Edud Olmert –  who promoted the exchange of territory for peace. The withdrawal plan for the West Bank comes when many are tired with the Israeli-Palestinian confrontation.

From now on the new Prime Minister will have to deliver on this plan. The road may bring numerous pitfalls.

First, Olmert is ready to unilaterally implement a plan which would give a group that promotes terrorism and refuses to recognize the existence of Israel – Hamas – the opportunity to govern a new Palestinian state.

Second, Israelis have not directly encountered terrorism for some time. But if a resurgence of violence was to directly affect Israel again in the future, the Prime Minister may find it difficult to promote concessions toward Israel’s tormentors.

Such a context, along with the failure of the upcoming government in its general policies may well pave the way for a Netanyahu comeback.

Last but not least, contemporary Israel history teaches its observers that it is sometimes premature to write up a political obituary.

Following his 1977 retirement from politics, who could have predicted that Itzhak Rabin would orchestrate the victory of the Labor party in 1992? In the aftermath of the controversy of his involvement in the Lebanese war, Sharon’s career seemed to have come to an end. He came back and left his imprint of Israeli politics, notably by becoming Prime Minister in 2001.

These are two eloquent illustrations that public figures may have a long life in the land of the prophets. After all wasn’t it Menachem Begin – another famous figure from the Likud – who was asked to form a government after 29 years in the opposition?

In politics, anything can happen. Netanyahu could decide to retire and attend to other challenges. He may alternatively be defeated in his bid to retain the leadership of his party. But if he decides to stay in the arena, he still has many good cards in his hand.

It may thus be too soon to confine him to the pages of history. Already, Netanyahu “shall never be with those cold and timid souls who know neither victory nor defeat”, to borrow an expression from former US President Theodore Roosevelt.