Will Kyiv be another Stalingrad?

Adam Zamoyski (source: History Extra)

Few years ago, around the time I visited Poland for the first time, I devoured the insightful book Warsaw 1920 by acclaimed biographer and historian Adam Zamoyski. He is also the author of a masterful book about Napoleon’s invasion of Russia in 1812. I therefore reached out to him, asking if he saw any parallel between history and the current invasion of Ukraine by Russian troops. He generously accepted to share some thoughts with me and I’m extremely grateful for that.

Here is what the acclaimed biographer of Napoleon generously shared with me:  

The parallel that struck me, weeks ago, is that with 1811-1812, when Tsar Alexander I set as his condition for maintaining his alliance with Napoleon that the French Emperor issue a formal public declaration that he would never allow the re-creation of a Polish state. This was something that Napoleon would and could not do (any more than NATO could bind itself to refusing Ukraine membership if that country wished to join).

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Heeding Wellington’s Advice

Dr. Seth G. Jones (source: CSIS)

In the aftermath of my review of his excellent book, Three Dangerous Men: Russia, China, Iran and the Rise of Irregular Warfare, its author Dr. Seth G. Jones accepted to answer my questions. Our exchange occurred before the start of the invasion of Ukraine. With cyber warfare at the disposal of current armies – like the crashing of the Kremlin website today – the content of this insightful book is ever more pertinent. And Dr. Jones is the best specialist to better understand this new way of conducting war.

Here is the content of this fascinating exchange.

Valery Gerasimov has been an avid student of U.S. military campaigns.

Dr. Jones, in Three Dangerous Men, one of the things I found most interesting was the reading habits of Russian General Valery Gerasimov. Apart from devouring tomes about Russian military doctrine and history, do you know if he is also interested in learning about Western figures and military episodes?

Valery Gerasimov has been an avid student of U.S. military campaigns. He closely studied U.S. operations in Bosnia, Kosovo, Afghanistan, Iraq, Libya, and other countries. Gerasimov concluded that the United States had moved away from what he called the “traditional” approach to warfare and toward a “new,” more clandestine approach, which he termed a “concealed use of force.” Gerasimov’s study of the United States was instrumental in evolving Russia’s own military doctrine, strategy, and tactics—including its use of irregular warfare.

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Les risques calculés de Pékin

La Chine dérange. Elle inquiète. Parce qu’on la méconnaît. C’est un réflexe naturel. Sa montée en puissance, notamment sur le plan militaire où elle occupe dorénavant la première place au niveau des forces navales, fait en sorte qu’on lui impute des desseins guerriers en mer de Chine méridionale ou même à Taïwan. Ce discours est notamment alimenté par un discours manichéen omniprésent dans des interventions médiatiques fréquemment réductrices et souvent alimentées par des observateurs nageant dans une superficialité nocive. 

Dans Guerres invisibles, Thomas Gomart écrit, et il vaut la peine de le citer, que « la guerre froide a donné naissance à plusieurs générations de kremlinologues qui cherchèrent à analyser les jeux politiques en URSS et dans le bloc communiste. Rares, très rares, sont aujourd’hui les spécialistes capables de saisir les rapports de force au sein du Parti communiste chinois (PCC). » À mesure que l’Empire du Milieu prend de l’ascendant sur l’échiquier international, force est de reconnaître qu’il importe de prêter l’oreille à ceux et celles qui ont pour vocation professionnelle de bien et mieux connaître ce pays.

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« Dans ce poker armé, Vladimir Poutine sait que les puissances occidentales n’ont pas grand-chose dans leur jeu » – Michel Goya

Un militaire russe en opérations. (source: Al Jazeera)

À la lumière des tensions actuelles entre l’Ukraine et la Russie et d’un potentiel bruit de canons à l’horizon, il m’est apparu approprié de m’entretenir avec l’un des meilleurs spécialistes des affaires militaires contemporaines, le colonel (retraité) Michel Goya. Cet historien et auteur prolifique dont la renommée internationale n’est plus à faire a généreusement accepté de répondre à mes questions. Voici le contenu de notre échange.

Tout semble indiquer que l’on se trouve ici devant une opération de pression par la démonstration de forces, à la manière du blocus de Berlin en 1948.

Colonel Goya, merci infiniment d’accepter de répondre à mes questions. D’entrée de jeu, quelle est votre lecture des informations selon lesquelles la Russie envahirait l’Ukraine dans quelques jours, aussitôt que ce mercredi selon certaines sources?

C’est peu probable. Actuellement, la Russie peut envahir l’Ukraine quand elle veut et si c’est ce qu’elle veut, ce que je ne crois pas, elle le fera selon son agenda. Il faut bien comprendre qu’une telle invasion n’est pas du tout dans la pratique russe. La culture stratégique russe est toujours celle du risque très calculé. Qu’il s’agisse d’opérations froides (sans combat) ou chaudes (avec combat), les Russes agissent surtout par surprise de façon à laisser l’adversaire devant le fait accompli. Lorsqu’ils agissent de manière visible en jouant sur la masse pour réduire les risques, cela signifie qu’ils estiment qu’il n’y aura pas de réaction extérieure. On notera que le calcul n’empêche pas l’erreur d’appréciation et que surtout que l’on peut changer d’habitude, mais tout semble indiquer que l’on se trouve ici devant une opération de pression par la démonstration de forces, à la manière du blocus de Berlin en 1948. Pour parler familièrement, le saut dans l’inconnu, et une invasion de l’Ukraine serait un grand saut dans l’inconnu, n’est pas le genre de la maison Russie. J’espère ne pas me tromper.

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« Car ce qui donne un sens à la vie, donne un sens à la mort » – Saint-Exupéry

L’Occident, c’est regrettable et néfaste, a voulu effacer la guerre de son horizon psychologique. Dans les années 1990, j’étudiais au baccalauréat en histoire et j’avais invité le chargé d’affaires de la République fédérale de Yougoslavie à Ottawa à venir prononcer une conférence devant mes collègues et moi. Certains avaient critiqué cette activité, au prétexte que la polémologie appartenait aux oubliettes des champs historiques surannés. À la manière d’un Francis Fukuyama, l’avenir leur donnerait tort.

Mais cette disposition à gommer la res militaris prive nos sociétés d’une véritable compréhension du métier des armes et de sa finalité fréquente. « Préserver son armée de pertes devenues inacceptables d’une part et en donner une image d’invulnérabilité aux yeux de l’ennemi d’autre part sont des avantages indéniables de cette nouvelle forme de conflictualité : la guerre à distance, la guerre « zéro mort », écrit Nicolas Zeller dans Corps et âme (Tallandier). Dans ce témoignage percutant de vérités, ce médecin des Forces spéciales françaises rappelle pourtant que « […] la guerre tuera toujours des hommes. »

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L’histoire comme arme géopolitique

Lors d’une récente discussion, un ancien haut-gradé des Forces armées canadiennes me faisait prendre conscience à quel point la géopolitique nous affecte. Quotidiennement. Par exemple, au niveau des chaînes d’approvisionnement, lesquelles dépendent largement du transport maritime. Quand on sait que la principale route commerciale est celle qui relie la Chine à l’Europe par le canal de Suez, il y a tout lieu de s’intéresser de beaucoup plus près à ce qui se passe en mer de Chine. Mais comme c’est moins visible et criant que le bruit de bottes qui se font entendre actuellement aux frontières de l’Ukraine ou de l’exaspération découlant des négociations corsées avec l’Iran, on y prête moins attention.

C’est justement cet aspect inaudible des relations internationales que l’historien et spécialiste en géopolitique Thomas Gomart s’emploie à illustrer dans son dernier livre, Guerres invisibles : Nos prochains défis géopolitiques (Tallandier) dont je viens de terminer la passionnante lecture.

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