Sauvez Zelensky!

« Volodymyr n’a pas peur de mourir. Je le sais. Il est habité par autre chose. Il est déjà ailleurs », déclare le président de la République française au colonel Coralie Desnoyers, chef du Service Action – bras armé de la Direction générale de la Sécurité extérieure (DGSE) dans les premières heures de la guerre lancée contre l’Ukraine par Moscou.

Dès les premières heures de l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes à l’aube du 24 février 2022, le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’élève immédiatement au-dessus de la mêlée des chefs ordinaires. Sa réaction, ses interventions, son courage attachant, le distinguent des dirigeants que l’on sait habituellement allergiques aux risques. La politique n’est-elle pas l’art de survivre? Ce logiciel est étranger au héros ukrainien.

Il refuse obstinément de quitter Kyiv, demandant des munitions au lieu d’un taxi. Dans un scénario fiction, le président français s’engage à assurer sa sécurité, notamment face à un commando du groupe Wagner (ainsi nommé « en raison de la fascination de son chef et créateur, Dmitri Outkine, néonazi russe, pour Adolf Hitler. Ce même Outkine décoré par Vladimir Poutine dans l’ordre du Courage au Kremlin ») ayant pour mission de lui offrir un billet pour l’éternité. Cette tâche échoit aux hommes et aux femmes du Service Action – des personnages qui n’ont rien à envier à James Bond.

Chemin faisant, les organes de sécurité français découvrent le talon d’Achille de Vladimir Poutine – cherchez la femme, dit-on – et lancent une opération époustouflante qui mettra en échec le tsar en territoire étranger, lui fracassant certainement le cœur au passage.

Les présidents Emmanuel Macron et Volodymyr Zelensky à l’Élysée le 8 février 2023. (France Bleu)

J’observais avec grand intérêt avant-hier les images du président français Emmanuel Macron remettant fièrement la Légion d’honneur à son homologue Volodymyr Zelensky à l’Élysée. Un moment puissant et intense, qui rappelait justement à quel point il est crucial d’assurer la victoire du président ukrainien dans son face-à-face avec le chef de guerre du Kremlin.

Je ne pouvais m’empêcher de penser au roman Service Action – Sauvez Zelensky! (Robert Laffont) sous la plume du romancier Victor K. (Vincent Crouzet de son vrai nom) dont le scénario évoqué plus haut résume le récit et qui aborde le travail de ces hommes et de ces femmes qu’on appelle invariablement lorsque l’odeur du soufre est appelée à envahir les narines.

C’était une évidence. Mon calendrier de publications devait être modifié pour aborder cette lecture que j’ai pratiquement dévoré d’une traite.

L’auteur, ça se sent, connaît intimement son sujet et on devine que les couloirs politiques ne lui sont pas étrangers. Au surplus, il sait comment donner vie aux personnages. On observe tantôt Athéna (le nom de code du colonel Desnoyers) prendre une pause avec le président de la République dans son PC Jupiter ou un officier sur le terrain tomber en amour avec une voisine qui habite à l’étage au-dessus. D’autres enfilent du Hermès ou du Barbour. Pour affolante et violente qu’elle puisse être, la vie dans les cercles où le renseignement côtoie la gâchette n’est pas moins empreinte de classe. Tant qu’à graviter au sommet, aussi bien le faire avec distinction.

Vincent Crouzet permet également à son lectorat de mesurer les dilemmes moraux auxquels les praticien.ne.s des forces spéciales sont confronté.e.s. On retrouve souvent des gens peu fréquentables sur les chemins de traverse de ce métier. Mais « en guerre totale, insère-t-il dans son récit, on mange avec le diable, sans cuillère. » Winston Churchill, cet autre féru de coups tordus et de missions impossibles qui savait mobiliser les mots au service des armes, n’aurait pu mieux dire.

Les habitué.e.s de mon blogue savent que je ne suis pas féru de romans. Étant un fan fini de toutes les séries télévisées mettant en vedette les prouesses des forces spéciales – Fauda et SAS Rogue Heroes étant mes favorites – Sauvez Zelensky! fut cependant une escapade que je ne pouvais refuser. Le « sacerdoce » (j’emprunte ici un terme utilisé à quelques reprises par l’auteur) de ces hommes et de ces femmes hors du commun (on imagine facilement un Paddy Mayne ou un Doron Kabillio se joindre à eux) qui sont prêt.e.s à tout risquer en première ligne de notre défense m’a toujours captivé.

Je me suis souvent posé la question à savoir quel rôle jouaient les forces spéciales occidentales pour assurer la protection – ou potentiellement l’extraction – de Volodymyr Zelensky. Vincent Crouzet a donc, d’une certaine manière, répondu à ce questionnement qui me taraudait.

C’est une évidence, on ne peut et on ne doit jamais tout savoir de ce qui se passe dans les coulisses des opérations spéciales. En aval, quelques brides nous en parviennent sous la plume d’auteurs ou journalistes bien informés. La fiction est donc la meilleure manière de palper cette réalité nécessairement inavouable. Parce que les services de renseignements et d’action ne peuvent être efficaces que dans l’ombre, ils ne sont jamais plus grands que dans la légende.

Sous une belle plume, Vincent Crouzet nous emmène sur les sentiers d’un sujet qui ne pourrait être plus actuel. Je suis donc impatient de lire le prochain fruit du travail de cet émule de Ian Fleming.

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Victor K., Service Action – Sauvez Zelensky! Paris, Robert Laffont, 2022, 270 pages.

Je tiens à remercier Adélaïde Yvert des Éditions Robert Laffont pour sa précieuse collaboration dans la réalisation de cette recension.

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