Dans les pas d’Ibn Saud

Peu d’hommes ou de femmes d’État sont passés à l’histoire comme ayant fondé un pays. Ibn Saud (Abdelaziz ben Abderrahmane Al Saoud) fait partie de ce club sélect. La magistrale biographie que lui consacre Christian Destremau aux Éditions Perrin nous invite à découvrir un parcours singulièrement passionnant qui permet de comprendre pourquoi et comment le fondateur de l’Arabie saoudite – entité étatique qui a fait son entrée dans la familles des nations en 1932 – un « homme quasiment illettré »est parvenu à laisser une empreinte déterminante et durable dans l’histoire contemporaine.

D’entrée de jeu, cette biographie nous amène à la rencontre d’un virtuose de l’équilibrisme. Ayant échappé aux griffes des ennemis de sa famille à l’âge de 10 ans avec sa sœur en se cachant « dans une grande sacoche attachée par des lanières en cuir sur le flanc d’un dromadaire », Ibn Saud a tôt fait d’apprendre une vérité impitoyable. « L’adversaire le plus dangereux, celui qu’il faut avoir toujours à l’oeil, est tout proche, il partage les repas et le café avec vous, fait mine de vous écouter attentivement lors des assemblées, prend place à vos côtés lors de la prière. Un jour ou l’autre, il sortira lui-même son sabre ou ordonnera à l’un de ses gardes prétoriens de vous abattre. »

Usant donc de prudence, d’intelligence, d’astuce, de dissimulation, de générosité – malgré une situation financière souvent sérieusement précaire – et d’une rare capacité à être réputé comme étant l’homme le mieux informé, il posera les jalons de son œuvre en faisant « de la politique comme un leader européen ». Tout au long de sa vie, il saura ménager les différentes clientèles à l’intérieur du royaume – entre les clans, auprès des religieux et parmi les membres de sa propre famille – et à l’échelle internationale, sachant tirer son épingle du jeu dans la rivalité géopolitique entre la Sublime Porte de Constantinople et Londres, dans un premier temps, et ensuite les divergences américano-britanniques au sortir de la Seconde Guerre mondiale.

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Ian Fleming et James Bond: tel père, tel fils

Dans Skyfall (le meilleur film de James Bond à mon humble avis), il y a une scène où 007 fausse compagnie aux mercenaires de Silva en empruntant un tunnel secret dissimulé dans la maison de son enfance. Au moment de s’y engouffrer, le mythique agent secret déclare : « j’ai toujours détesté cet endroit ». Cette déclaration se veut non seulement emblématique des sentiments du personnage, mais aussi de son créateur, Ian Fleming.

Dans l’enlevante biographie qu’il consacre au père de James Bond (Perrin), l’historien Christian Destremau permet au lecteur de constater à quel point le père et le fils littéraire partagent le même ADN. Amour des voitures, de la vitesse, des douches à l’eau chaude, des montagnes, caractères irrévérencieux et vie sexuelle bien assumée, voilà autant de traits donnés par Fleming à son emblématique personnage. Et j’oubliais que la mère de l’agent du MI6 est Helvète, tout comme celle de Fleming. Je laisserai aux psychologues le plaisir d’épiloguer sur la parenté entre les deux hommes, mais je peux facilement imaginer que l’auteur aurait rêvé de vivre les aventures de son héros. Après tout, n’est-ce pas là le but de la fiction?

Cela dit, n’importe quel amateur des questions de renseignement, aussi novice soit-il, aura tôt fait de constater que M. Bond détonne de manière très exubérante par rapport à la discrétion élémentaire requise de la part des manœuvriers de cet univers ombrageux. Rares doivent être ceux et celles qui raffolent d’attirer l’attention. Il n’est donc guère étonnant que le biographe écrive que « […] James Bond est pour une large part l’héritier des braves du SOE » (Special Operations Executive) – les légendaires services spéciaux créés par Churchill quelques semaines après son arrivée aux commandes en juillet 1940.

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