La trahison du mercenaire

Je sais, le titre de ce billet relève du pléonasme, puisqu’un mercenaire est par définition un traître. Marat Gabidullin nous a quand même prévenu. Dans son plus récent ouvrage, Ma vérité (Michel Lafon), il livre un témoignage frappant de vérité à propos de la nature d’Evgueni Prigojine – lequel a lancé il y a quelques heures une insurrection armée contre le président Vladimir Poutine.

Dès les premières pages, il aborde la course nationaliste dans laquelle son ancien patron est engagé, de même que ses ambitions politiques et de l’armée dont il dispose, une force « capable de déstabiliser tout le pays », des mots qui s’avèrent prophétiques. Depuis qu’il a quitté le groupe mercenaire, l’auteur affirme avoir compris « […] qu’il n’était guidé que par ses intérêts financiers, ses ambitions et sa soif de pouvoir. » Et tant pis si cela signifie qu’il doive poignarder celui sans qui il serait demeuré un intriguant insignifiant. C’est la loi de la jungle.

Son témoignage s’appuie sur son expérience au combat pour la société militaire privée en Tchétchénie, en Libye et en Syrie – pays dans lequel ses camarades et lui « sont allés au casse-pipe, sacrifiés pour sauver la crédibilité du commandement de l’armée russe » et la fréquentation du tonitruant homme d’affaires – il a subi une intervention chirurgicale aux frais d’Evgueni Prigojine. Selon lui, la hiérarchie du groupe Wagner – nommé ainsi en l’honneur du compositeur de prédilection d’Adolf Hitler – repose sur « […] des hommes obéissants et loyaux plutôt que sains d’esprit et expérimentés. » Des gladiateurs contemporains qui prennent les armes parce qu’ils sont payés. C’est la nature même d’un mercenaire et cela soulève la question à savoir qui règle la note de l’insurrection actuelle.

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