« J’étais toutefois convaincu que grâce au Führer, je pourrais marcher d’un pas assuré dans la vie et vivre sans trop de soucis le reste de mes jours, une fois quitté mon service. » Tel est l’aveu livré par Heinz Linge, qui fut le majordome d’Hitler et qui vécut dans son intimité pendant une décennie, dans ses mémoires intitulées Jusqu’à la chute (Éditions Perrin). Le destin et le sort des armes eurent cependant pour effet de contredire cette conviction. La décennie suivante de son existence se passa dans les geôles soviétiques, après sa capture à proximité du bunker de la Chancellerie où son ancien maître s’était donné la mort le 30 avril 1945.
D’entrée de jeu, j’admets ne pas être friand des mémoires. Rarement y assiste-t-on à de véritables prises de conscience, puisque l’exercice se veut généralement une tentative de justification ou de réhabilitation devant la postérité. Je ne m’attendais donc pas à un mea culpa à propos de l’Holocauste. Heinz Linge balaie à cet égard toute responsabilité. À propos de son patron, il écrit : « Tout ce qu’on lui a imputé, écrit-il, je ne l’ai appris qu’après la guerre – car le Führer ne parlait qu’en tête à tête avec lui [Heinrich Himmler, proche collaborateur du Führer et architecte de l’Holocauste] de choses que je ne lui aurais jamais attribuées, comme l’extermination massive des Juifs. » Difficile à croire, puisqu’il avoue candidement que personne d’autre qu’Eva Braun n’était plus proche du dictateur que lui.
Mais là ne repose pas l’intérêt principal de son témoignage.
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