Wellington, seul vainqueur de Waterloo?

WaterlooThierryLentzL’été 2014 fut le plus beau de ma vie, en ce qu’il m’a offert le privilège de visiter une multitude de champs de bataille et lieux historiques sur le continent européen. De ceux-ci, Waterloo figurait en tête de liste. Ayant toujours nourri un vif intérêt envers le Duc de Wellington, j’étais fasciné de passer une bonne heure dans ce que fut son quartier général à l’époque (et qui porte maintenant le nom de Musée Wellington).

Ayant habité en Écosse pendant plusieurs mois suite à cette visite, j’avais accès à plusieurs livres publiés à propos de la légendaire bataille sur les mornes plaines – les Britanniques étant friands de commémorer leur contribution à la défaite de l’Aigle. Un bel après-midi d’hiver, alors que je me trouvais dans une librairie d’Édimbourg, mon regard se posa sur un petit livre de l’historien Brendan Simms portant sur la contribution des hommes de la King’s German Legion dans la défense de la ferme de la Haye Sainte – laquelle fut cruciale dans la victoire de Wellington et ses lieutenants.

Je me propose de rédiger quelques lignes bientôt à propos de cet ouvrage, mais je me limiterai ici à mentionner qu’il m’a ouvert les yeux sur le fait que Waterloo n’est pas exclusivement une victoire britannique, et ce, avec tout le respect que je dois à mes ancêtres écossais qui ont pris part à la bataille.

Cet état de fait est également soulevé de manière très éloquente par l’historien Thierry Lentz – qui est également directeur de la Fondation Napoléon – dans son excellent livre sur la bataille de Waterloo.

Après son retour aux Tuileries le 20 mars 1815, l’ancien Empereur déchu veut, selon les propos de l’auteur « convaincre l’Europe qu’il était décidé à vivre en paix avec elle, dans les frontières négociées en 1814 et sans velléité de reconquête d’aucune sorte. » Les participants du Congrès de Vienne refusent et « […] Napoléon devait en effet, une fois de plus, jouer son trône sur un coup de dés. »

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Le diable sur la montagne

ThierryLentz

J’ai eu l’inoubliable privilège de passer une partie de l’été 2014 dans la région de Salzbourg. Il était donc inconcevable que le féru d’histoire que je suis ne veuille consacrer une journée à visiter le tristement célèbre « nid d’aigle » d’Hitler, situé sur le mont Kehlstein à proximité de Berchtesgaden dans les Alpes bavaroises.

Je piaffais donc d’impatience de mettre la main sur le plus récent ouvrage de l’historien Thierry Lentz Le diable sur la montagne : Hitler au Berghof 1922-1944 (Perrin, 2017), consacré à l’occupation des lieux par le maître nazi et son entourage pendant plus de deux décennies.

Suite à cette lecture palpitante, force m’est d’admettre que je connaissais bien mal l’importance de cet endroit dans la naissance, le développement et le crépuscule du régime mortifère qui écrivit le chapitre le plus sombre de l’histoire de l’Allemagne et probablement de l’humanité. J’étais sous l’impression que le complexe montagnard du Berghof n’était qu’un centre de villégiature pour le Führer et ses caciques. Or, le directeur de la Fondation Napoléon nous rappelle que « tenter [d’établir la liste des décisions qui ont été prises à cet endroit] serait refaire une bonne partie de l’histoire du IIIe Reich. » (p. 158). C’est dire à quel point l’endroit fut un avant-poste du dernier conflit mondial.

Outre la description des travaux, événements, personnages, rituels et rivalités qui s’y sont succédés dans le décor bucolique des Alpes, le plus grand mérite de l’auteur réside dans sa capacité à nous transporter sur les lieux (il me faut ajouter que la plume de Thierry Lentz est franchement incomparable). En fermant les yeux, j’avais non seulement l’impression d’observer le fonctionnement de la « petite capitale » en temps réel, mais également de revivre ce jour de juillet où j’ai marché sur les traces du diable. La référence aux skinheads observés sur les lieux me fut également familière, puisque j’y ai vécu la même expérience.

J’espère pouvoir retourner un jour à Berchtesdagen et y passer beaucoup plus de temps, chaussé de mes bottes de marche et le livre de Thierry Lentz en main. Pourquoi céder de nouveau à cette « curiosité malsaine » (les mots sont de l’auteur)? Tout d’abord pour y explorer les vestiges que l’horaire prévu par notre guide ne m’a guère permis de découvrir (donc sortir des sentiers touristiques bien orchestrés), mais aussi pour prendre la pleine mesure de la manière par laquelle le mal peut instrumentaliser ce qu’il y a de plus beau et de plus inspirant pour meurtrir l’humanité.

S’il est une chose que je regrette à propos de ce livre, c’est de ne pas avoir pu le dévorer avant de me rendre sur le mont Kehlstein. Petit conseil aux amateurs d’histoire donc. Si vous planifiez une visite dans cette vallée et prendre l’ascenseur qui vous conduira au « nid d’aigle », profitez de l’expérience et des observations de l’un des plus grands historiens et des meilleures plumes de notre temps.

Pour l’heure, Le diable sur la montagne trouve maintenant place parmi les meilleurs qu’il m’ait été donné de lire au sujet de la Seconde Guerre mondiale.