L’empereur fatigué

Au soir du 19 octobre 1813, Napoléon vient d’encaisser un échec cuisant à la bataille de Leipzig. Le sort des armes annonce la campagne de France l’année suivante et sa première abdication. Comment celui que Clausewitz qualifiait de « Dieu de la guerre » a-t-il pu en arriver à un tel résultat?

Tout simplement parce que Napoléon était aussi mauvais diplomate que grand capitaine. Pour cause, dans son livre Sauver l’Empire – 1813 : la fin de l’Europe napoléonienne (Éditions Perrin), le brillant historien Charles-Éloi Vial écrit que l’Aigle bénéficiait d’une « légitimité durement et exclusivement acquise sur les champs de bataille ». La paix se signait uniquement sur les tambours, nulle part ailleurs. Ses adversaires en ont pris bonne note.

À l’instar du reste de l’Europe, la France est éreintée par le climat belligène qui sévit depuis des années. Sur tous les fronts, l’Empereur est fragilisé. À cet égard, un épisode témoigne éloquemment de sa position. Quelques mois plus tôt, le 24 janvier, le pape Pie VII – qui est retenu en otage à Fontainebleau (il passera 472 jours entre les griffes impériales) – signe un concordat avec l’empereur. Deux mois plus tard, il se rétracte. La signature pontificale était une erreur manifeste. Pour Napoléon, impuissant, c’est un échec psychologique qui augure mal pour la suite…

Pour tout dire, l’Aigle siège sur un trône fragile. Il le sait. L’année précédente, alors que ses ambitions russes se consument dans l’incendie de Moscou, il doit conjuguer ses actions à la conspiration du général Malet qui tente de lui ravir le pouvoir à Paris. Ça aurait pu tourner mal. Ce battant doit rebondir pour survivre. Une révolte couve en Allemagne. Il a donc décidé d’y faire entendre le bruit des bottes de ses grognards. Sa victoire marquera les esprits et lui permettra d’être de nouveau en position dominante.

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Comment Napoléon est entré dans l’éternité

« En me traitant si mal, les Anglais ont mis la couronne d’épines sur ma tête. Ils ont excité un grand intérêt sur ma personne. » En ce dimanche de la Divine Miséricorde qui clôt l’octave de Pâques, ces paroles de Napoléon – aussi discutables puissent-elles être – résument fort bien le phénomène dont la gestation débute lors de son exil forcé sur l’île de Saint-Hélène dans l’Atlantique Sud, dans la foulée de la seconde abdication de Napoléon – quinze mois après les mornes plaines de Waterloo.

Dans Le dernier Napoléon : 1819-1821 (Passés / Composés), Michel Dancoisne-Martineau nous invite à partager les misères de l’isolement de l’Empereur détrôné pendant ces années fatidiques durant lesquelles cet homme qui n’a pas encore atteint la cinquantaine doit se résigner à être coupé du monde. Sous surveillance continuelle, il vit un emprisonnement relativement confortable, mais ennuyeusement hermétique, sous l’œil envieux d’un Hudson Lowe diablement mesquin, diplômé de l’académie des bassesses.

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Pie VII: Victime et vainqueur de Napoléon

Pendant son règne Napoléon a affronté des généraux et des hommes d’État dont les noms remplissent les pages de l’histoire. On peut notamment penser au duc de Wellington, au tsar Alexandre 1er ou à l’empereur François 1er d’Autriche. C’est principalement par la force des armes que l’empereur des Français est parvenu à bâtir son empire et sa réputation. Le militaire et théoricien prussien Carl von Clausewitz ne le considérait-il pas comme étant un dieu de la guerre?

Il est cependant une autre figure directement liée avec le ciel face à laquelle Napoléon n’est jamais parvenu à avoir le dessus. Je parle ici du pape Pie VII. Je n’évoque pratiquement jamais les figures ou les sujets d’ordre religieux sur ce blogue. Pourquoi faire exception aujourd’hui? Tout d’abord parce que Barnaba Chiaramonti était un moine bénédictin – un ordre pour lequel j’ai toujours nourri une profonde admiration. Il y a aussi le fait que je me suis toujours beaucoup intéressé aux figures qui se sont élevées, d’une manière ou d’une autre, contre Napoléon.

J’étais donc impatient de plonger dans la biographie que lui consacre l’historien Jean-Marc Ticchi et que les Éditions Perrin ont récemment publiée. Quel ne fut pas mon plaisir de découvrir un personnage aux antipodes des caricatures sur lesquelles reposait jusqu’alors mon appréciation de Pie VII. Personnage « qui s’est montré un ami véritable de dame Pauvreté » et très généreux, celui qui a pris le nom de dom Gregorio en entrant au monastère « […] est traité sans guère d’égards par des confrères qui le logent à côté d’un fourneau rendant sa cellule invivable en été… » Ce détachement des biens et du confort terrestres lui seront plus qu’utiles dans la passe d’armes qui l’opposera à Napoléon quelques années plus tard.

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