
Ce matin, les visiteurs qui auront effectué le trajet pour commémorer le 100e anniversaire de la bataille de la Somme entonneront à 7 heures 30 un « God Save the Queen » bien senti et rempli d’émotion en hommage à ces valeureux combattants dont la bravoure a fait en sorte qu’on se souvient maintenant du 1er juillet 1916 comme ayant été le jour le plus meurtrier de l’histoire britannique, ce moment où nous nous remémorons Ces Anglais morts pour la France pour reprendre le titre de l’excellent ouvrage de Jean-Michel Steg publié chez Fayard.
Retraçant les différentes facettes de cette bataille mémorielle, l’auteur nous rappelle les motivations stratégiques des planificateurs de cette intervention qui avait pour objectif d’enlever de la pression sur les Français à Verdun, mais qui se solda par un échec – notamment en raison du fait que les généraux britanniques avaient sous-estimé leurs adversaires, envoyant dans le no man’s land des « […] troupes britanniques [qui] vont devoir affronter des soldats allemands bien entraînés, au moral élevé, et protégé par des défenses denses et efficaces. » Avant de quitter leurs tranchées, les hommes vêtus de kaki étaient voués à être fauchés.
On peut également marcher au combat ces « […] soldats protestants [de la division de l’Ulster] dont certains se sont élancés en portant leur écharpe de l’ordre d’Orange », ces valeureux Terre-neuviens dont 90% des effectifs sont tombés au combat et dont la majorité ont « […] été frappés à découvert avant même d’avoir atteint leurs tranchées de départ » devant Beaumont-Hamel, ces Français qui, en compagnie des Britanniques combattant à leurs côtés, ont effectué une percée malheureusement inexploitée ou encore ces « […] Gordon’s Highlanders, qui ont finalement conquis la première ligne de tranchées allemande le 13 novembre 1916, dans les derniers jours de la bataille de la Somme. »
Au-delà des aspects techniques et propres à la geste militaire, c’est surtout l’épaisseur humaine du sacrifice de ces braves dont Jean-Michel Steg nous fait éloquemment prendre conscience qu’il faut retenir. On peut les compter sur les doigts d’une main, les ouvrages en français relatant les hauts faits d’armes des soldats de Sa Majesté durant la Première Guerre mondiale. Marchant sur les traces de Sir John Keegan et non moins dépourvu de l’insigne talent de cet illustre précurseur, l’auteur a donc le mérite bien senti d’apporter une contribution inestimable dans l’historiographie militaire.
Ce matin, alors que je m’apprête à déployer mon unifolié et célébrer l’anniversaire de mon pays, le Canada, je ne pourrai m’empêcher de penser à ces Terre-neuviens qui ont consenti ces énormes sacrifices qui allaient les amener à rejoindre la confédération canadienne en 1949. Il en est de même de tous ces hommes – catholiques ou anglicans, Irlandais ou Écossais, professionnels des armes ou membres de la « nouvelle armée » de Kitchener, qui ont lancé un assaut impossible mais combien révélateur de cet esprit de sacrifice qui allait mener les Alliés à la victoire en 1918.
Un très bon moment de lecture, en définitive, que je ne saurais assez chaudement recommander à toute personne intéressée par la chose militaire ou l’étendue parfois inexplicable du courage humain.
Ces Anglais morts pour la France de Jean-Michel Steg, un titre qui figure maintenant parmi les meilleurs titres de ma bibliothèque.