Quand Vladimir Poutine règle ses comptes

« Demain ce crétin [de Prigojine] nous sera préjudiciable, et représentera une menace. Sous peu, son attitude va remonter toutes les badernes de généraux de l’armée contre nous. Ici, Prigo se comporte en courtisan, mais dès que je lui tourne le dos, j’entends des choses désagréables… Il se prend pour quelqu’un qu’il n’est pas. Le cuisinier a pris la grosse tête. Je te chargerai de définitivement la dégonfler. »

C’est ainsi que le président russe Vladimir Poutine s’adresse à Medusa, la mystérieuse et impitoyable spadassine qui se fraie un chemin jusqu’à lui à travers les couloirs secrets du Kremlin. Il l’a chargée de prendre la tête de l’incarnation contemporaine de SMERSH – la terrifiante et sanguinaire unité de contre-espionnage militaire soviétique qui sévissait durant la Seconde Guerre mondiale et dont le nom signifie « mort aux traîtres »– dans les pages de l’époustouflant dernier roman de Viktor K. (Vincent Crouzet) Service Action – Louve Alpha (Robert Laffont).

À la lumière des événements des dernières heures qui ont vu l’ancien patron de Wagner et putschiste malheureux du 24 juin dernier rendre l’âme après que deux missiles ont eu provoqué l’écrasement de l’avion à bord duquel il prenait place, le récit de ce roman prend tout son sens. Il permet de constater que le président russe aime régler l’ardoise avec ceux et celles qui entravent sa route.

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La trahison du mercenaire

Je sais, le titre de ce billet relève du pléonasme, puisqu’un mercenaire est par définition un traître. Marat Gabidullin nous a quand même prévenu. Dans son plus récent ouvrage, Ma vérité (Michel Lafon), il livre un témoignage frappant de vérité à propos de la nature d’Evgueni Prigojine – lequel a lancé il y a quelques heures une insurrection armée contre le président Vladimir Poutine.

Dès les premières pages, il aborde la course nationaliste dans laquelle son ancien patron est engagé, de même que ses ambitions politiques et de l’armée dont il dispose, une force « capable de déstabiliser tout le pays », des mots qui s’avèrent prophétiques. Depuis qu’il a quitté le groupe mercenaire, l’auteur affirme avoir compris « […] qu’il n’était guidé que par ses intérêts financiers, ses ambitions et sa soif de pouvoir. » Et tant pis si cela signifie qu’il doive poignarder celui sans qui il serait demeuré un intriguant insignifiant. C’est la loi de la jungle.

Son témoignage s’appuie sur son expérience au combat pour la société militaire privée en Tchétchénie, en Libye et en Syrie – pays dans lequel ses camarades et lui « sont allés au casse-pipe, sacrifiés pour sauver la crédibilité du commandement de l’armée russe » et la fréquentation du tonitruant homme d’affaires – il a subi une intervention chirurgicale aux frais d’Evgueni Prigojine. Selon lui, la hiérarchie du groupe Wagner – nommé ainsi en l’honneur du compositeur de prédilection d’Adolf Hitler – repose sur « […] des hommes obéissants et loyaux plutôt que sains d’esprit et expérimentés. » Des gladiateurs contemporains qui prennent les armes parce qu’ils sont payés. C’est la nature même d’un mercenaire et cela soulève la question à savoir qui règle la note de l’insurrection actuelle.

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“S’attaquer au groupe Wagner, c’est s’attaquer à Poutine”

Vincent Crouzet (Robert Laffont Canada)

Dans la foulée de ma recension de son excellent roman Service Action – Sauvez Zelensky!, l’auteur Vincent Crouzet a généreusement accepté de répondre à mes questions.

Je suis très heureux de partager cet entretien ici.

M. Crouzet, d’où est venue votre inspiration pour écrire au sujet de l’espionnage et des Forces spéciales?

C’est une idée que j’ai depuis longtemps : raconter le travail au quotidien du Service Action de la DGSE, et inscrire les intrigues dans la conjoncture internationale. Aussi jouer sur l’aspect très contemporain de mes histoires, pour leur apporter tout le réalisme nécessaire. Je développe cette série sous le pseudo de Victor K., mais sous mon vrai nom, Vincent Crouzet, j’ai déjà à mon actif sept romans d’espionnage…

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De la solidité du système Poutine

Igor Setchine et le président russe Vladimir Poutine (source: The Moscow Times)

Il y a deux semaines, un article paru dans The Telegraph rapportait les propos du chef d’état-major de la Défense de la Grande-Bretagne, Sir Tony Radakin, selon lequel ceux et celles qui prétendent que le président russe Vladimir Poutine serait affligé d’une santé en détérioration ou serait potentiellement la cible d’une tentative d’assassinat se bercent d’illusion. Dit autrement, le grand patron du Kremlin est toujours bien en selle.

Un argument renforcé à la lecture d’une étude récente de l’Ifri (l’Institut français des relations internationales) sous la plume du chercheur Régis Genté, lequel est également coauteur de la biographie Volodymyr Zelensky – Dans la tête d’un héros (Robert Laffont) que je recenserai bientôt sur cette page. C’est ainsi que Cercles dirigeants russes : Infaillible loyauté au système Poutine? dresse la carte du système planétaire qui gravite autour de l’astre russe.

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Le chaos, cet allié de Vladimir Poutine

Mais quelle mouche a bien pu piquer Vladimir Poutine? Telle est la question que je me posais au matin du 24 février 2022, agglutiné que j’étais aux informations et reportages continus diffusés sur CNN. Depuis des années, je m’intéresse au président russe et à la dynamique géopolitique qu’il a instauré dès son entrée en fonction. Le livre d’Isabelle Mandraud et Julien Théron, Poutine, la stratégie du désordre (Tallandier) m’apparaissait comme contribuant à répondre aux nombreuses questions qui se bousculaient dans mon esprit en cette froide matinée.

« La violence est constitutive de la présidence de Vladimir Poutine », exposent les auteurs. On pourrait même ajouter qu’elle est en filigrane de l’histoire de la Russie depuis des siècles. L’âme russe s’est forgée au son des épées, dans le bruit des canons et le sacrifice de la boue et du sang des champs de bataille. Lors de mes deux séjours à Moscou, j’avais été frappé par l’importance de l’héritage militaire de ce pays en sillonnant les expositions du musée de la guerre patriotique de 1812 à quelques pas du Kremlin et le musée de la Victoire consacré à la Deuxième Guerre mondiale.

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