Dans la foulée de ma recension de son excellent roman Service Action – Sauvez Zelensky!, l’auteur Vincent Crouzet a généreusement accepté de répondre à mes questions.

Je suis très heureux de partager cet entretien ici.

M. Crouzet, d’où est venue votre inspiration pour écrire au sujet de l’espionnage et des Forces spéciales?

C’est une idée que j’ai depuis longtemps : raconter le travail au quotidien du Service Action de la DGSE, et inscrire les intrigues dans la conjoncture internationale. Aussi jouer sur l’aspect très contemporain de mes histoires, pour leur apporter tout le réalisme nécessaire. Je développe cette série sous le pseudo de Victor K., mais sous mon vrai nom, Vincent Crouzet, j’ai déjà à mon actif sept romans d’espionnage…

Je crois que vous avez travaillé pour la DGSE. Comment se comparent les Forces spéciales françaises avec les autres services similaires dans le monde?

En l’occurrence, j’évoque les forces spéciales de la DGSE, regroupées dans l’unité la plus secrète de la République : le Service Action. La grande différence avec les autres services de renseignement occidentaux, c’est que la DGSE dispose de son propre bras armé : le Service Action, qui n’a pas d’équivalent dans d’autres agences. Cette spécificité permet à la DGSE d’apparaître comme un service « intégré ».

Selon les informations dont vous disposez, quel est le rôle des Forces spéciales françaises et occidentales depuis le 24 février dernier en Ukraine?

Très variable selon l’engagement des uns et des autres. La France, comme je le raconte dans Sauvez Zelensky! imprime une action clandestine mais déconnectée du champ de bataille lui-même. D’autres, comme la Grande-Bretagne, n’hésitent pas, à travers les SAS par exemple, à certainement apporter un soutien plus direct aux forces ukrainiennes.

M’inspirant de ce que j’ai lu dans Sauvez Zelensky! et du président de la République dont vous y brossez le portrait, je me demande à quel point le président Macron est un adepte de l’utilisation des Forces spéciales?

Emmanuel Macron a été confronté, dès son élection en 2017, à la réalité du conflit contre le Califat de Daech, conflit qui a nécessité des prises de décisions drastiques, concernant notamment l’élimination de certaines cibles ennemies, donc le recours à des assassinats commandés et à des actions violentes de destruction. Aussi, oui, le Président de la République ne répugne pas à projeter des forces spéciales et à leur assigner des objectifs déterminés. 

À l’envers de la médaille, quelle est votre évaluation des Forces spéciales russes?

Les forces spéciales russes, pourtant très aguerries par les conflits tchétchènes, syriens et autres, ont été peu utilisées pour des assauts en Ukraine. Leur déficit provient de manque de soutien technologique, et d’un équipement plus rustique que celui des forces spéciales occidentales.

On parle abondamment du groupe Wagner dans l’actualité et vous y référez dans Sauvez Zelensky! Que pensez-vous de l’affirmation du chef d’état-major de l’armée de terre, le général Pierre Schill, qui qualifie ce groupe mercenaire d’« adversaire redoutable »? Pensez-vous que les Forces spéciales sont prêtes à faire face à cette menace?

Ce n’est pas, selon moi, « un adversaire redoutable », mais un ennemi très « politique ». S’attaquer à Wagner et Prigojine, c’est s’attaquer à Poutine, d’où, peut-être encore, les réserves et les préventions liées à une action soutenue contre Wagner en Afrique.

Si vous pouviez partir en opérations – en tant qu’observateur, bien entendu – avec n’importe quel service dans le monde, avec qui iriez-vous et pourquoi?

Avec la DGSE, bien entendu, les yeux fermés. J’ai travaillé au profit de ce service pendant plus de vingt ans, dont je peux louer la loyauté. La confiance, c’est primordial pour un agent. 

Nous assistons depuis quelques années à une floraison de livres et de téléséries à propos des Forces spéciales – comme Fauda et SAS Rogue Heroes. Est-ce que ce phénomène est tributaire d’un rôle accru des Forces spéciales dans les affaires militaires internationales selon vous?

Oui, sans aucun doute. L’emploi des forces spéciales est rentré dans les usages des doctrines militaires, et apporte un avantage certain. Ensuite, la curiosité du public pour les crises internationales permet de raconter les problématiques à travers la fiction. Enfin, le rythme imprimé par les forces spéciales, leur aspect « marginal » (dans le cas des SAS dans Rogue Heroes), colle parfaitement au cahier des charges des fictions télévisées.

Il est facile d’admirer les qualités inspirantes du président Zelensky, mais quels sont les écueils qui le guettent selon vous ?

Essentiellement des questions de politique interne. L’Ukraine est devenue pleinement une démocratie. Volodymyr Zelensky compte aussi des opposants. Sur le trop long terme, un front uni peut toujours se fissurer…

Dans Sauvez Zelensky!, les personnages portent du Hermès et du Barbour, tout en sirotant toujours un excellent vin. On se croirait pratiquement avec James Bond. Est-ce que le bon goût fait partie intégrante de la vie dans les services spéciaux?

Je ne suis pas certain que dans la « vraie vie », tous les agents affichent une prédilection pour un hédonisme raisonnable, ou privilégient des signes ostentatoires de « confort », mais me concernant, j’essaie de ne pas transiger en matière de bon goût! Mais c’est très subjectif, bien entendu…

Merci infiniment pour la générosité de votre temps M. Crouzet. Je suis impatient de lire votre prochain roman et d’en partager mes impressions avec nos lecteurs.

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Le roman Sauvez Zelensky! de Victor K. (Vincent Crouzet) est publié chez Robert Laffont et n’attend qu’à être dévoré.