« Nous avons été trop mous avec Poutine »

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (source: New York Post)

Les événements tragiques qui se déroulent en Ukraine depuis jeudi dernier me ramènent à la lecture du livre La honte de l’Occident, à l’intérieur duquel le journaliste Antoine Mariotti relate les tribulations diplomatico-militaires par lesquelles l’Occident a littéralement laissé le champ libre à Vladimir Poutine en Syrie. C’était il y a moins de 10 ans. Je ne peux m’empêcher d’identifier dans cet ouvrage la matrice du mode opératoire du Kremlin lorsqu’il décide que le temps est venu de faire déferler sa force militaire sur un sol étranger.

Je me suis donc entretenu avec M. Mariotti et j’ai recueilli ses observations relativement à la situation actuelle dans ce pays où Moscou veut imposer par les armes un second Holodomor (terme désignant la grande famine causée en Ukraine en 1932-1933 par Staline).

Voici le contenu de notre échange.

M. Mariotti, avez-vous été étonné de l’invasion de l’Ukraine par la Russie?

Pour être honnête, oui parce que j’avais « parié » qu’il n’irait pas. Je pensais que Poutine pousserait le bouchon aussi loin que possible pour mettre une pression diplomatique, politique et même militaire… mais je ne pensais pas qu’il s’engagerait dans une offensive si massive en Ukraine, pas en dehors du Donbass. Ce n’est toutefois pas une surprise et ce n’était pas impensable, comme ont pu le titrer certains médias, parce que cela fait des mois que l’on sait que le risque existe et plusieurs semaines que les États-Unis avertissaient qu’il allait envahir. Mais je pensais qu’avec cette pression, il ne lancerait pas une telle offensive.

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« Vladimir Poutine n’est pas un ennemi mortel pour l’Occident » – Entrevue exclusive avec Antoine Mariotti

Antoine Mariotti (source: France 24)

À la suite de ma recension de son livre La Honte de l’Occident – un exposé qui fait réfléchir, de par les nombreuses révélations qu’il contient et qui permettant de mieux comprendre l’état actuel de la politique internationale le journaliste de France 24 Antoine Mariotti a aimablement accepté de répondre à quelques questions pour ce blogue. C’est un livre qui se dévore avec une bonne tasse de thé, sous la plume d’un auteur de talent dont on souhaite qu’il nous offre d’autres plaisirs littéraires. Voici donc le contenu de notre échange.

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Monsieur Mariotti, l’un des aspects qui m’a le plus marqué dans La Honte de l’Occident est à l’effet que Moscou et Téhéran pourraient devenir des rivaux à moyen et long terme. Pourriez-vous nous en dire davantage à propos des sujets et intérêts sur les récifs desquels cette relation pourrait se détériorer?

Ce sont les deux parrains du pouvoir syrien. Ils ont endossé ce rôle parce qu’ils estiment qu’ils ont aussi à y gagner. Il va être intéressant de voir le partage des marchés économiques… certains auraient été promis aux deux. Par ailleurs, sur un sujet comme Israël (voisin de la Syrie), les positions russe et iraniennes sont radicalement opposées. Moscou est allié au pouvoir israélien alors que Téhéran est son ennemi juré. Tsahal intervient militairement régulièrement en Syrie contre des intérêts iraniens et avec le feu vert, actif ou passif, de la Russie qui gère une grande partie de l’espace aérien syrien.

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Barack Obama a pavé la voie à Vladimir Poutine en Crimée

20 août 2012. Derrière le podium de la salle de presse de la Maison Blanche, le président Barack Obama met en garde le régime syrien de Bachar el-Assad de ne pas franchir la ligne rouge que représente l’utilisation d’armes chimiques. Une admonestation dont le président syrien fera fi un an plus tard. On s’attend alors à ce que les Américains entre dans la danse et utilisent leur puissance militaire pour mettre le dirigeant récalcitrant au pas. Il n’en sera rien. Obama tergiverse. L’osmose fait défaut entre lui et son administration sur le dossier syrien. Traumatisé stratégiquement par les péripéties martiales de son prédécesseur, le patron « ne veut pas se retrouver dans la même situation que celle de George W. Bush en Irak […]. »

Devant lui, les Russes et leur président Vladimir Poutine veillent au grain. Pas question de se faire damer le pion pour le maître du Kremlin. Et pourquoi pas tirer avantage de la situation? À ce jeu, il est redoutable, surtout devant la faiblesse des Occidentaux qui peinent à articuler une position solide. Difficile de poser les jalons du changement de régime à Damas, puisque l’opposition est tout autant tétanisée par l’exil que par les divisions.

Diplomatiquement, d’abord, Moscou sauvera la face des Américains en annonçant le « désarmement chimique de son allié syrien ». Le repli décidé dans le Bureau Ovaleaura ensuite des répercussions majeures sur le plan militaire.

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La Turquie dans l’équation syrienne

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Les forces turques en Syrie (source: Tasnim News Agency)

J’ai découvert aujourd’hui le site zone militaire et il s’agit d’une trouvaille fort intéressante.

On y publiait hier un article au sujet des opérations militaires turques en Syrie et des réactions suscitées par celles-ci de la part du gouvernement syrien.

Trop souvent, les médias et observateurs occidentaux ignorent ou gomment la présence et les actions des forces armées turques et, à plus forte raison, les impératifs guidant les décisions du gouvernement Erdoğan, afin de se concentrer sur d’autres points chauds. Cette lecture a pour effet de nous priver d’une perspective tout aussi pertinente et actuelle à propos du point de vue du gouvernement de Ankara, lequel est indiscutablement directement concerné par ce qui se passe de l’autre côté de sa frontière.

Parce qu’il est important de tenir compte de tous les acteurs en présence si on souhaite avoir un portrait réaliste de la situation, j’ai donc l’intention de garder un œil sur cette perspective, afin de partager mes opinions et observations à ce sujet.