« Je pense que Harry couche avec le fantôme de sa mère »

L’historien et biographe Jean des Cars (source: The Limited Times)

Le comte Jean des Cars est un personnage des plus sympathiques et généreux. Sa bibliographie est impressionnante et il est le spécialiste de référence des têtes couronnées européennes. Il m’a accordé il y a quelques jours un long entretien à propos de la monarchie britannique, dans la foulée du décès de Sa Majesté la reine Elizabeth II survenu le 8 septembre dernier.

« J’ai été le premier journaliste francophone reçu à Buckingham Palace par le prince Charles [maintenant le roi Charles III]. C’était en 1982, avant son mariage avec Diana », de mentionner fièrement l’auteur du récent livre à succès Pour la reine (Perrin) qui en est à sa cinquième réédition. « J’avais appris qu’il allait venir en France, pour honorer la mémoire des combattants de la Royal Air Force qui s’étaient cachés dans les caves à champagne et qui avaient vécu des moments épouvantables. Il devait être accompagné de Lord Mountbatten. J’ai donc dit au journal (Le Figaro) : « Et si on demandait un entretien au prince de Galles? » Tout le monde me regarde et me dit : « vous êtes fou. » J’ai donc pris l’annuaire téléphonique de Londres. J’ai appelé Buckingham et j’ai demandé à parler à l’officier de presse en charge du prince de Galles. On me passe alors un Australien avec un accent de crocodile qui me demande de lui envoyer par télécopieur une photocopie de mon passeport et ma liste de questions. Deux jours plus tard, on me confirmait un rendez-vous qui était prévu le surlendemain. Personne n’a cru que j’avais simplement obtenu cet entretien simplement à cause d’un appel à Buckingham Palace », de se remémorer l’historien avec gourmandise.

Le prince Charles avait transformé un désastre en moment très sympathique.

Des problèmes techniques sont venus compliquer l’entretien, mais celui qui occupe maintenant le trône avait été tout simplement charmant avec le journaliste et son photographe. « Le prince Charles avait transformé un désastre en moment très sympathique. Ça demeure une de mes grandes fierté », d’enchaîner Jean des Cars.

Visiblement ému par le décès d’Elizabeth II, son biographe poursuit en mentionnant qu’il avait eu un pressentiment au mois de juin, avant de partir en vacances. « J’ai dit à mon épouse : « j’ai le pressentiment que la reine ne va pas bien, qu’on ne va peut-être pas l’avoir longtemps. » J’ai donc rédigé une nécrologie en avance que Le Figaro Magazine m’avait demandée. J’ai ensuite pu ajuster mon texte en quelques heures, à la suite de l’annonce de son décès. »

La reine Elizabeth II a toujours fasciné Jean des Cars. C’est probablement la raison pour laquelle il lui a consacré des biographies. « Son idée de génie, en 1953, fut d’imposer à Churchill que le couronnement et le sacre soient télévisés. C’était un courage fantastique, un exploit technique, parce que la télévision est en balbutiement à ce moment-là. Churchill était contre, le duc d’Édimbourg était finalement assez pour.

Les sujets les plus reculés du royaume et du Commonwealth avaient l’impression d’avoir été invités à Westminster. Elle est devenue la reine de l’image et elle l’est restée. » L’historien qui cumule plus de 50 livres à son actif note également que la fin du second règne élizabetain s’est aussi démarqué par une décision fantastique, lorsque la souveraine a décidé de « régler le problème de Camilla et de Charles de son vivant », en décidant d’accorder à la première le titre de reine consort lorsque le second serait appelé à monter sur le trône. Elizabeth II avait le souci des autres, d’une façon très douce et par de petits signes discrets, de poursuivre celui qui pourrait visiblement en parler pendant des heures.

Mais « Il ne faut pas se faire d’illusions. Il y a un choc épouvantable avec la mort de la reine, la dernière cheffe d’État à avoir vécu la Seconde Guerre mondiale. » Ce choc est naturellement exacerbé par le contexte international, alors que sévissent la guerre initiée par la Russie contre l’Ukraine, les questions de pénuries et la morosité économique pour ne citer que ces exemples.

Je pense que Charles sera un bon souverain.

Questionné à propos des qualités que le roi Charles apporte avec lui dans sa nouvelle fonction, Jean des Cars n’hésite pas un seul instant à mettre en relief sa préparation, son côté avant-gardiste, notamment à propos de ses visions écologistes qui étaient ridiculisées au départ, le fait que c’est un homme qui s’intéresse aux choses de l’esprit – ayant notamment effectué un séjour au mont Athos, « le dernier morceau de l’empire de Byzance ». Au surplus, « Charles est accompagné d’une femme intelligente » en la personne de la reine consort. « Je pense que Charles sera un bon souverain », de poursuivre Jean des Cars qui ajoute que Camilla serait celle qui retiendrait sa préférence si on lui offrait de rencontrer l’un des membres de la famille royale pour un déjeuner par exemple, notamment en raison de son sens de l’humour.

À propos de la nouvelle génération, celui dont la vie professionnelle est consacrée à ausculter les monarchies d’hier et d’aujourd’hui ne tarit pas d’éloges pour William et Kate. Du fait de sa formation auprès de sa grand-mère qui le recevait et lui enseignait les rudiments de son futur rôle les dimanches après-midi pendant ses études au Collège d’Eton ou le choix d’une épouse qui correspond entièrement aux attentes, tout laisse croire à l’historien que l’avenir de la Couronne britannique est entre bonne mains avec le prince et la princesse de Galles.

Harry va s’apercevoir qu’il s’est conduit comme un déserteur.

Du côté des Sussex, la lecture de Jean des Cars est toutefois sans appel. « Je ne sais pas ce que Harry et Meghan vont faire. Harry va s’apercevoir qu’il s’est conduit comme un déserteur. Il y avait le début de la pandémie de la Covid, il y avait un tas de problèmes et ils sont partis. Ça ressemblait vraiment à un comportement digne de la duchesse de Windsor [l’épouse de l’ancien roi Édouard VIII qui a abdiqué en 1936 parce qu’il lui était impossible de la faire accepter], c’était épouvantable. Sans prévenir la reine, ils ont négocié l’entrevue avec Oprah Winfrey. C’est effrayant et ça a fait beaucoup de peine à Sa Majesté. La Couronne n’avait pas besoin de ça, avec Brexit et la condition de santé du prince Philip à l’époque. Ça a été une désertion et la naissance de leur deuxième enfant correspondit à la première fois qu’un arrière-petit-enfant d’un souverain britannique est né en dehors du territoire. Ce fut très douloureux pour Elizabeth II et c’est malheureux parce que Harry avait été très courageux en Afghanistan. Mais il est tombé sur une arriviste, c’est évident. Je pense que Harry – et je pèse mes mots – couche avec le fantôme de sa mère, ce qui ne me paraît pas très sain. »

Inévitablement, j’ai aussi questionné le spécialiste des monarchies, à savoir à quel moment le couronnement du roi Charles III pourrait avoir lieu. « Je pense que ce serait bien non pas le plus tôt possible, mais avant Noël. Faire combiner avec cette fête ne serait pas une mauvaise idée, parce que nous serions alors dans une ambiance similaire à celle durant laquelle la reine faisait son discours de Noël, pour que les gens se retrouvent, qu’on pense aux absents et qu’on se réjouisse de la proximité des vivants. Ce serait l’occasion idéale de combler le vide laissé par son départ. » À suivre donc…

La monarchie britannique occupe une place à part.

Je ne pouvais terminer sans questionner mon interlocuteur à savoir ce qui rend la monarchie britannique si spéciale et solide. « Elle occupe une place à part. La reine donnait un spectacle au monde qui fut unique, avec ses différences et ses nuances, l’humour de Sa Majesté, d’un côté, mais aussi les drames et les scandales, de l’autre », ces derniers rendant l’institution humaine et accessible.

M. des Cars ajoute qu’il y a aussi un élément de magie incontournable, avec « ce spectacle, ces uniformes, les rites, la beauté de Londres – seule ville au monde où le cheval soit encore présent – la campagne anglaise, l’Écosse. Il y a enfin l’attitude de la reine. Par exemple, Elizabeth a eu l’intelligence de ne pas imposer son deuil après la mort de Philip. C’était le contraire de Victoria, qui a été en deuil jusqu’à la fin de sa vie. Pour la reine, ça ne se faisait pas. Il y a déjà assez de malheurs comme ça et j’ai trouvé que c’était très élégant et très courageux. Nous avons besoin que la monarchie britannique soit présente », poursuit-il.

Pour les fidèles de l’auteur et les fervents de la monarchie, Jean des Cars a déposé le crayon il y a quelques semaines après avoir complété l’écriture d’un nouveau livre qui pourrait paraître prochainement. Je ne trahirai pas les confidences qu’il m’a faites à ce sujet, mais il ne m’apparaît pas hasardeux d’affirmer que ce livre portera sur un thème… monarchique!

Je tiens pour conclure à remercier M. le comte pour la générosité de son temps et madame Claudine Lemaire, son attaché de presse aux Éditions Perrin, d’avoir facilité cette entrevue tout aussi agréable qu’éclairante.

_______

Je vous suggère, pour en connaître davantage sur les travaux de Jean des Cars, de vous procurer un exemplaire de ses deux derniers livres :

Jean des Cars, Pour la reine : Hommage à Elizabeth II, Paris, Perrin, 2022, 240 pages.

Jean des Cars, Elizabeth II : La reine, Paris, Perrin, 2021, 440 pages.

Leave a Reply

Fill in your details below or click an icon to log in:

WordPress.com Logo

You are commenting using your WordPress.com account. Log Out /  Change )

Twitter picture

You are commenting using your Twitter account. Log Out /  Change )

Facebook photo

You are commenting using your Facebook account. Log Out /  Change )

Connecting to %s

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.