Poutine parmi les loups

Durant mes études universitaires, un professeur de relations internationales a émis un jour une observation qui m’est demeurée à l’esprit. À un collègue qui lui demandait une suggestion de lecture biographique à propos du président Nixon, le professeur lui avait conseillé le premier tome de la trilogie que lui avait consacré l’historien réputé Stephen E. Ambrose. Devant notre étonnement face à cet éloignement des hauts faits internationaux du grand personnage pour nous diriger vers les pâquerettes de la jeunesse, l’érudit personnage rétorqua que les clés pour comprendre la personnalité et les agissements de tout grand personnage se trouvent dans l’enfance et la jeunesse.

À cet égard, L’Engrenage (Albin Michel) de Sergueï Jirnov, un ancien officier supérieur du KGB, offre aux lecteurs un portrait décapant qui permet de mieux saisir la personnalité de Vladimir Poutine. Comparativement à la majorité des observateurs qui se prononcent au sujet du président russe, l’auteur a « […] croisé la route de Poutine à plusieurs reprises dans le passé. » Il est aussi l’un des rares « […] à l’avoir rencontré quand il n’était encore personne » et à témoigner ouvertement de son expérience et de ses impressions.

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When Khrushchev Helped JFK

Soviet leader Nikita Khrushchev and US President John F. Kennedy (source: Foreign Policy)

I recently read and reviewed an excellent biography of former Soviet leader Leonid Brejnev by Andreï Kozovoï. Even if I found it to be tragic, I was fascinated to read about Brejnev’s role in the toppling of his predecessor, Nikita Khrushchev, in October 1964. Khrushchev’s persona was light years away from the character portrayed in The Death of Stalin – it is a satire, after all – and his bombastic temper certainly played a role in his downfall.

Khrushchev always fascinated me, whether it is regarding his role during World War II, his succeeding Stalin in 1953 or his role with President John F. Kennedy (of whom we commemorate the assassination today) during the Cuban Missile Crisis in 1962. I recently came upon a very insightful article, “Nikita Khrushchev and the Compromise of Soviet Secret Intelligence Sources” in the International Journal of Intelligence and Counterintelligence by David Easter. In his research, the academic exposes several instances where the First Secretary of the Communist Party of the Soviet Union might have compromised Moscow’s intelligence work and capabilities.

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Pour Brejnev, « la meilleure façon de survivre [en politique, c’était] de s’entendre avec tout le monde »

Leonid Brejnev n’a jamais vraiment eu bonne presse dans l’opinion nord-américaine. C’est du moins l’impression que j’ai retiré des discussions que j’entendais dans ma tendre jeunesse. Lorsque les adultes commentaient l’actualité relativement à la Guerre froide, le numéro un soviétique faisait figure d’« imbécile en chef » pour reprendre la formule citée par Andreï Kozovoï dans la récente biographie qu’il consacre à Brejnev. Son successeur, Mikhaïl Gorbatchev, n’a pas beaucoup aidé en le diabolisant. Et comme le père de la Perestroïka était adulé en Occident, il n’y a qu’un pas à franchir pour comprendre que les chances de Brejnev d’être apprécié à sa juste valeur étaient bien minces.

Cela dit, Brejnev est un personnage fascinant à découvrir. Sous une plume agréable et accessible qui évite la confusion avec autant de noms qui peuvent être méconnus pour un.e néophyte, Andreï Kozovoi relate avec brio l’ascension au pouvoir d’un personnage trop facile à sous-estimer. Au fait, ça ne vous rappelle pas un autre opérateur docile qui s’est tranquillement placé dans les bonnes grâces de la famille Eltsine avant de déménager ses pénates au Kremlin le 31 décembre 1999? Mais je digresse…

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« Je suis un mauvais tsar; un bon tsar, c’est celui qui tue » – Mikhaïl Gorbatchev

19 août 1991. Il y a trente ans aujourd’hui. Je me souviens de cette journée comme si c’était hier. Fan de Mikhaïl Gorbatchev, malgré mon jeune âge et les admonestations de mon père qui ne voulait pas me voir devenir communiste, j’apprends au bulletin de nouvelles qu’un putsch est ourdi en URSS. Les chars d’assaut ont fait déambuler leurs chenilles dans Moscou et tout peut arriver. Mon héros (avec Reagan et Thatcher) est assigné à résidence dans sa demeure estivale en Crimée. Rien ne va plus dans mon univers. Je resterai rivé aux bulletins de nouvelles, téléphonant – à peu près à toutes les heures – à la salle de rédaction de mon quotidien local pour m’enquérir de l’évolution de la situation.

Gorbatchev m’a toujours fasciné. Et en ces jours où des corollaires sont inévitablement établis entre le retrait américain d’Afghanistan ordonné par le président Joe Biden et celui effectué par l’Armée rouge entre mai 1988 et février 1989 sous la gouverne de « Gorby », le dernier livre de Vladimir Fédorovski permet de mieux comprendre ce personnage adulé en Occident, mais clivant (c’est le moins que l’on puisse dire) chez lui.

Pour tout dire, Le Roman vrai de Gorbatchev (Flammarion) brosse un portrait tout en nuance d’un politicien d’exception. Avant d’endosser les habits du réformateur, le futur chef d’État devait grimper au mât de cocagne de la politique soviétique, ce qu’il sut faire avec brio en annotant avec flatterie les projets de discours de Brejnev ou en dégustant poisson et gâteau au fromage sous la véranda avec le chef du KGB – et futur numéro un soviétique – le redoutable Iouri Andropov.

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