Thomas Jefferson ou l’ambivalence d’un visionnaire

D’entrée de jeu, un aveu s’impose : hormis une visite au Jefferson Memorial à Washington, D.C., par un froid mordant de janvier, le troisième président des États-Unis ne m’avait jamais vraiment captivé. C’était avant de plonger dans la remarquable biographie signée Laurent Zecchini à son sujet.

« Jefferson est donc un acteur historique majeur de l’hyperpuissance que sont devenus les États-Unis, un « père fondateur » du concept de « destinée manifeste » partagé par tous ses successeurs, mélange de l’« empire de la liberté » vanté par Jefferson et de l’« impérialisme américain » souvent voué aux gémonies. C’est son principal succès de politique étrangère », dévoile l’auteur.

Durant sa présidence, les États-Unis procéderont à l’acquisition du territoire de la Louisiane – un « vaste territoire [qui] a permis la création de quelque quatorze États américains d’aujourd’hui » et jette les bases de l’entrée de la Floride dans l’Union sous la présidence de James Monroe en 1819. Ainsi sanctuarisés, les États-Unis pourraient marcher sur la voie d’un isolationnisme dont Thomas Jefferson fut l’un des pionniers. La table est mise pour les chapitres à venir de l’histoire du pays.

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Okinawa: pivot stratégique du Pacifique

Fasciné par l’histoire militaire depuis mon plus jeune âge, mon imaginaire a été nourri des récits du débarquement en Normandie, de la bataille d’Arnhem – cet objectif trop ambitieux qui valut tant de reproches à Montgomery – ou encore de la légendaire bataille d’Angleterre, aux premières heures du conflit. Comme beaucoup sans doute, la guerre du Pacifique n’évoquait pour moi que le lointain écho d’un sacrifice immense, porté avant tout par les troupes américaines. Pour dire vrai, je méconnaissais largement ce théâtre, encadré qu’il était par les parenthèses marquantes de l’attaque de Pearl Harbor et de la capitulation du Japon après les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki.

Comment oublier les bons moments passés à regarder les épisodes de la série télévisée Les Têtes brûlées, avec le légendaire « Pappy » Boyington, que je suivais religieusement, l’étonnement teinté d’émotion lors d’une visite au monument d’Iwo Jima à Washington, D.C., ou encore l’admiration profonde que m’inspirait le caporal Desmond T. Doss dans Hacksaw Ridge ? Pourtant, une sérieuse lacune demeurait, à laquelle il me fallait remédier. L’historien militaire Ivan Cadeau y apporte une contribution précieuse dans son ouvrage Okinawa 1945 (Éditions Perrin).

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Le chemin de crête de Paul VI

Tout cela pour dire que le nouveau pape invite la curiosité à savoir quelles seront les orientations édictées à l’intérieur des murs léonins au cours des prochains jours et des prochaines semaines dans la gestion des rapports au monde. À cet égard, on pense immédiatement à la guerre en Ukraine. Le dossier israélo-palestinien est certainement ex aequo en termes d’importance.

Les relations entre le Vatican et Israël ont été officialisées par un accord paraphé le 30 décembre 1993 ont toujours revêtu un vif intérêt pour moi. J’étais donc impatient de plonger le nez dans le dernier livre de Michaël Darmon, Le pape et la matriarche : Histoire secrète des relations entre Israël et le Vatican (Passés / Composés). J’avais déjà fait la connaissance – sur le plan intellectuel – de ce brillant journaliste à l’intérieur d’un ouvrage qu’il avait consacré au président Nicolas Sarkozy avant l’élection de ce dernier.

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Une géopolitique de l’optimisme

« « N’ayez pas peur », disait le pape, saint Jean-Paul II, reprenant les paroles du Christ. Ces paroles prononcées à l’occasion de grands changements nous éclairent. Elles sont d’actualité alors que des bouleversements sont en cours. » Ces mots couchés dans l’épilogue du plus récent livre du général Henri Trinquand résonnent d’une manière particulière, en ce lundi de Pâques où nous pleurons le décès du pape François, survenu plus tôt aujourd’hui. Aussi pertinente soit-elle dans l’actualité, cette citation est toutefois introduite dans le contexte d’une meilleure compréhension des eaux internationales dans lesquelles nous sommes appelés à ramer.

Aussi bien le déclarer d’entrée de jeu, l’auteur du livre D’un monde à l’autre : Comprendre les nouveaux enjeux géopolitiques (Robert Laffont) ne sombre aucunement dans ce pessimisme qui peut facilement mettre le moral en berne. C’est pour le moins rafraîchissant. Et les constats reposent sur une solide expérience de la geste militaire. Membre d’une famille dont plusieurs membres ont porté le fer contre les ennemis de la France sur différents théâtres et à différentes époques, le général Dominique Trinquand est diplômé de Saint-Cyr et a servi sous les drapeaux en tant que tankiste. Il a été servi première ligne de cette discipline qu’il décortique maintenant.

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Charles III, l’étoffe d’un grand roi

« « Fils de », « époux de », puis « père de », Charles dut […] se battre pour affirmer sa personnalité et promouvoir ses engagements. » À elle seule, cette observation du biographe et journaliste Philip Kyle résume le parcours fascinant mais souvent tragique du monarque qui sera couronné après-demain en l’abbaye de Westminster.

Mon chef d’État favori, Winston Churchill, a attendu l’âge vénérable de 65 ans – celui de la retraite – pour atteindre le sommet. Il est invité à diriger son pays au pire moment de son histoire, lorsque le péril brun déferle en Europe. De son côté, Charles III aura dû attendre 8 ans de plus que son illustre compatriote pour vivre sa consécration. Après sept décennies dans l’antichambre du trône, il « […] fut l’héritier à avoir attendu le plus longtemps son accession. ». Les deux personnages auront fréquenté les abîmes et les hauts sommets, mais se seront démarqués par une homérique ténacité devant l’adversité. Je m’arrêterai ici sur ce corollaire, même s’il y aurait encore tant à écrire.

Le plus grand mérite de la biographie que nous propose Philip Kyle est de révéler des facettes peu connues, voire occultées, de celui sur la tête duquel sera déposée la couronne de saint Édouard dans quelques heures. Sensible, altruiste – « […] il sélectionnait souvent un enfant peu talentueux, qui n’allait pas l’aider à gagner, mais qui aurait sans doute été choisi en dernier autrement » pour faire partie de son équipe à l’école, mais de caractère affirmé, Charles n’a jamais craint de susciter la controverse pour faire avancer ses idées. Je garde en mémoire le souvenir d’un professeur au secondaire qui se moquait du prince de Galles, narguant sa posture écologiste et son habitude de parler aux plantes.

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L’histoire comme arme géopolitique

Lors d’une récente discussion, un ancien haut-gradé des Forces armées canadiennes me faisait prendre conscience à quel point la géopolitique nous affecte. Quotidiennement. Par exemple, au niveau des chaînes d’approvisionnement, lesquelles dépendent largement du transport maritime. Quand on sait que la principale route commerciale est celle qui relie la Chine à l’Europe par le canal de Suez, il y a tout lieu de s’intéresser de beaucoup plus près à ce qui se passe en mer de Chine. Mais comme c’est moins visible et criant que le bruit de bottes qui se font entendre actuellement aux frontières de l’Ukraine ou de l’exaspération découlant des négociations corsées avec l’Iran, on y prête moins attention.

C’est justement cet aspect inaudible des relations internationales que l’historien et spécialiste en géopolitique Thomas Gomart s’emploie à illustrer dans son dernier livre, Guerres invisibles : Nos prochains défis géopolitiques (Tallandier) dont je viens de terminer la passionnante lecture.

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De l’importance de la Chine

OlivieriChine
Photo prise le 6 mars 2020 à la Librairie Oliveri de Montréal.

La librairie Olivieri de Montréal est l’une de mes favorites. Il est pratiquement impossible d’en ressortir les mains vides. Je suis passé par cette vénérable institution du chemin de la Côte-des-Neiges hier soir et je fus agréablement surpris de constater que les questions relatives à la Chine (histoire, diplomatie, philosophie et diplomatie) y occupent une place prépondérante. La photo que j’ai prise de la table sur laquelle sont posés les titres offerts à la clientèle à cette fin pourra vous en convaincre.

Comme quoi, l’Empire du Milieu occupe non seulement un positionnement dominant dans la géopolitique mondiale, mais aussi dans les préférences de lecture de plusieurs. Ce qui constitue un très bon signe, selon moi. Puisque, comme le disait si bien l’ancien président français François Mitterrand, « savoir, c’est pouvoir. »

On entend beaucoup parler de la Chine ces temps-ci dans les médias en raison de la crise du Coronavirus et des tragédies qui y sont associés (comme cet hôtel reconverti en site de quarantaine qui s’est effondré), mais il serait réducteur et néfaste de confiner notre champ de vision à ce seul sujet. Ce pays revêt une importance beaucoup plus significative pour la géopolitique mondiale. Et un jour se lèvera où le virus aura pris place dans les pages de l’histoire, mais la grande question de la place de Pékin dans le monde subsistera et elle devra continuer de se retrouver au coeur de nos réflexions et de nos actions.

J’ai l’intention de passer quelques heures le nez plongé dans le dernier livre de Jean-Pierre Raffarin, Chine, le grand paradoxe, dans les prochains jours. J’ai d’ailleurs l’intention de le recenser sur ce blogue dans les prochaines semaines.

Je vous laisse avec ce proverbe chinois selon lequel « Un ami, c’est une route, un ennemi, c’est un mur. » (lu au début du livre Les défis chinois de Éric de la Maisonneuve). Y trouverions-nous un résumé de la philosophie devant nous guider dans notre compréhension de cette contrée fascinante mais méconnue?