“Henry Kissinger is still listened to in China” – Exclusive interview with Prof. Kerry Brown

Dr. Kerry Brown, Director of the Lau China Institute and Professor of Chinese Studies (source: China Daily).

After the publication of my recent review of his insightful book about the history of China (Polity Books), Professor Kerry Brown kindly accepted to answer my questions about the relationship between the United States and China – an extremely timely subject. Without further introduction, here is the content of our exchange.

Chinese still admire some aspects of the western world, but not, anymore, its political figures.

On page 71 of your compelling book, you write that President Nixon was impressed “[…] witnessing Zhou Enlai redo the front page of the People’s Daily.” I often ask myself if any figure has a comparable influence in Xi Jinping’s entourage?

I imagine the figures from the outside world that most impress Chinese leaders today are more our business or technology leaders than our political ones. The excitement of new acquaintance from the Nixon era has long gone. Now, figures like Warren Buffett probably arouse more interest in China, or Bill Gates. I guess this is simply a sign that Chinese still admire some aspects of the western world, but not, anymore, its political figures.

I think we deceive ourselves if we do think individuals can magically find a way around the issue of the relationship between China and the US.

In the case where there would be no such influential figure, do you think it would help, notably in the relations with the US, and why?

Henry Kissinger is still listened to in China, and indeed, till recently, went there. I don’t know however whether intermediary figures are of much help now. This is not an issue of individual people being able to sort this out – the disagreements between China and the US are structurally too deep. There are maybe groups of people who might, over time, help – academics, perhaps, in trying to at least maintain some middle space. But I think we deceive ourselves if we do think individuals can magically find a way around this issue.

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Joe Biden sera aussi ferme que Trump par rapport à la Chine

Le journaliste et sinologue François Bougon (source: Asialyst).

Je recensais, en décembre dernier, le très pertinent livre du journaliste et sinologue François Bougon, Hong Kong, l’insoumise (Tallandier). Dans la foulée de cette publication, l’auteur a accepté de répondre à quelques questions sur ce sujet chaud de l’actualité internationale, notamment suite à l’arrivée du président Joe Biden aux commandes et au niveau des développements entourant les relations entre la nouvelle équipe en place à Washington et le gouvernement de Pékin.

Dans le dossier de la rétrocession de Hong Kong à la Chine, l’empressement britannique a poussé Deng Xiaoping a adopter une position dure.

M. Bougon, sous votre plume, la première ministre britannique Margaret Thatcher apparaît comme étant chancelante, mal à l’aise. On semble être à des lustres de la « Dame de fer ». Selon vous, quelle est le bilan global de sa gestion du dossier de la rétrocession de Hong Kong? Aurait-elle pu agir autrement?

Les Britanniques ont été pris à leur propre piège en mettant sur la table la question de l’avenir de Hong Kong à la sortie du maoïsme, alors que les Chinois ne la considéraient pas comme prioritaire.

Il existait différentes opinions à cette époque au sein des élites du Royaume-Uni. Certains étaient partisans de tenter le tout pour le tout afin de maintenir la présence dans l’une des dernières colonies britanniques. D’autres étaient plutôt partisans de se retirer pour se consacrer pleinement aux affaires européennes et aussi pour satisfaire les revendications de Pékin. Margaret Thatcher a dû trancher entre ces différents avis, consultant même des personnalités chinoises de Hong Kong proches à la fois du parti conservateur et des autorités communistes. Lors de sa première visite à Pékin, elle pensait pouvoir adopter une ligne de fermeté, mais elle a dû faire face à un « homme de fer » sur la question de la souveraineté chinoise, Deng Xiaoping.

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Le Berlin de l’Orient

J’ai tellement apprécié la lecture de son précédent ouvrage Dans la tête de Xi Jinping que j’étais impatient de mettre la main sur le plus récent livre du sinologue, journaliste et auteur réputé François Bougon, Hong Kong, l’insoumise : De la perle de l’Orient à l’emprise chinoise (Tallandier).

L’auteur y brosse avec maestria un tableau historique fascinant de la relation entre Londres et ce territoire colonial aux portes de la Chine. C’est donc durant le règne du roi George III que l’empire britannique s’est d’abord intéressée à la péninsule qu’allait devenir Hong Kong. Le commerce de l’opium allait instrumentaliser une relation entre l’impérialisme et le « port parfumé » si convoité par l’Orient et l’Occident.

Si le commerce justifiait l’incursion de Londres dans cette partie du monde – après tout, il fallait bien que le soleil ne se couche jamais sur les aspirations commerciales et politiques de Londres – c’est la force des armes qui aura permis d’asseoir le tout. Que ce soit lors des deux Guerres de l’opium au milieu du 19e siècle ou pendant la Révolte des Boxers à la fin du même siècle, la puissance militaire permettait d’assurer la prédominance des intérêts britanniques devant un empire chinois chancelant. Quelques décennies plus tard, le drapeau japonais éclipsera le Union Jack le jour de Noël 1941. Sombre jour pour les Britanniques.

François Bougon rappelle qu’au sortir du conflit, un diplomate britannique prône «« qu’il serait très peu sage d’entretenir même l’idée de laisser tomber Hong Kong ». D’autant qu’il faut se préparer à l’émergence d’une Chine forte, placée dans les rangs des futurs vainqueurs de la guerre. » Le vieux lion Winston Churchill soutient naturellement cette position, à laquelle la République populaire de Chine naissante contribuera pour un certain temps, parce que la récupération de Hong Kong n’était pas une priorité à court terme. Pour Mao, il s’agit d’«une mission à long terme». On ne perdrait rien pour attendre…

Pour un temps, Hong Kong devient donc un « Berlin de l’Orient ». Les choses bougeront sous le règne de Deng Xiaoping, lequel coïncidera avec les années où Margaret Thatcher était locataire du 10 Downing Street. Malgré la victoire dans la Guerre des Malouines, les Britanniques n’ont plus l’avantage sur l’échiquier international devant Pékin et le pouvoir chinois n’a pas l’intention de se laisser damer le pion. Londres doit respecter l’obligation stipulée dans le bail de 100 ans signé en 1898 au sortir de la seconde Guerre de l’opium. Le compte à rebours est lancé pour la rétrocession de la mégalopole et le système politique instauré par les représentants de Whitehall sera éclipsé par les diktats de Pékin. À cet égard, le déroulement des pourparlers entre le Petit Timonier et la Dame de Fer tel que relaté par François Bougon est très éclairant.

La table est ainsi mise pour l’opposition aujourd’hui incarnée par les héritiers de cette tradition démocratique occidentale que les sbires de Pékin aimeraient bien voir s’évanouir devant leur agenda.  

Plusieurs personnages hauts en couleur font leur apparition sous la plume alerte et agréable de François Bougon. Des Écossais négociants d’opium James Matheson et William Jardine (au 19e siècle) au résistant Joshua Wong en passant par le pragmatique et fascinant Zhou Enlai et le célèbre écrivain Ernest Hemingway, le destin du territoire a toujours été forgé par des personnalités plus grandes que nature. Les Gurkhas, ces soldats d’élite britanniques, y font également une apparition lorsqu’ils sont appelés à contenir la violence sévissant sur le territoire dans les années 1960.

Pour tout dire, aucune page de cette brillante analyse n’est superflue. Entre les lignes, on peut facilement comprendre que, à l’heure où la puissance militaire est passée du côté chinois, seul le pragmatisme permettra à l’Occident de tirer son épingle du jeu dorénavant. Un peu comme Berlin durant la Guerre froide, il serait étonnant que les capitales occidentales veuillent faire entendre le bruit des bottes pour résoudre le dossier. Nous pourrons certes continuer à admirer ces jeunes fougueux qui défendent les thèses démocratiques devant le rouleau compresseur communiste, mais la balance du pouvoir semble maintenant être fermement du côté de Xi Jinping.

Il s’agit donc d’un livre à lire, et rapidement, par tous ceux et toutes celles qui s’intéressent à la place de la Chine dans les affaires mondiales et au destin de la démocratie sur la planète. Cette dernière ne pourra être efficacement défendue que si nos gouvernants décident d’y investir les efforts nécessaires, notamment en prenant conscience que seule la force (principalement militaire) peut efficacement sauvegarder les principes démocratiques dans une confrontation avec un régime dont les valeurs sont aux antipodes. Toutes les discussions de salon, les banderoles et les bons souhaits ne peuvent équivaloir à une dissuasion sérieuse. Pékin ne le sait que trop bien.

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François Bougon, Hong Kong, l’insoumise : De la perle de l’Orient à l’emprise chinoise, Paris, Tallandier, 2020, 272 pages.

Malgré plusieurs démarches, il m’a été impossible d’obtenir un exemplaire de ce livre auprès du service de presse des Éditions Tallandier au Canada. Je suis néanmoins très reconnaissant envers Mme Isabelle Bouche, responsable des communications de la maison d’édition à Paris, de m’en avoir transmis une version électronique.